Baudelaire, Les Fleurs du Mal
« L’horloge »
Commentaire linéaire
Notre étude porte sur le poème entier
Horloge ! dieu sinistre, effrayant, impassible,
Dont le doigt nous menace et nous dit : » Souviens-toi !
Les vibrantes Douleurs dans ton coeur plein d’effroi
Se planteront bientôt comme dans une cible,
Le plaisir vaporeux fuira vers l’horizon
Ainsi qu’une sylphide au fond de la coulisse ;
Chaque instant te dévore un morceau du délice
A chaque homme accordé pour toute sa saison.
Trois mille six cents fois par heure, la Seconde
Chuchote : Souviens-toi ! – Rapide, avec sa voix
D’insecte, Maintenant dit : Je suis Autrefois,
Et j’ai pompé ta vie avec ma trompe immonde !
Remember ! Souviens-toi, prodigue ! Esto memor !
(Mon gosier de métal parle toutes les langues.)
Les minutes, mortel folâtre, sont des gangues
Qu’il ne faut pas lâcher sans en extraire l’or !
Souviens-toi que le Temps est un joueur avide
Qui gagne sans tricher, à tout coup ! c’est la loi.
Le jour décroît ; la nuit augmente, souviens-toi !
Le gouffre a toujours soif ; la clepsydre se vide.
Tantôt sonnera l’heure où le divin Hasard,
Où l’auguste Vertu, ton épouse encor vierge,
Où le repentir même (oh ! la dernière auberge !),
Où tout te dira : Meurs, vieux lâche ! il est trop tard ! »
Introduction
Baudelaire dédicace ses Fleurs du Mal à Théophile Gautier « Au poète impeccable » et en effet, il s'inspire parfois de son aîné pour créer des images étranges, inquiétantes, et finalement effroyables.
Baudelaire confie par exemple que son "Horloge" est inspirée d'un poème du recueil Espagne de Gautier :
[Chez Théophile Gautier,] il y a des poèmes [...] parmi ceux inspirés par le séjour en Espagne, où se révèlent le vertige et l’horreur du néant. Relisez, par exemple, [...] l’admirable paraphrase de la sentence inscrite sur le cadran de l’horloge d’Urrugne : Vulnerant omnes, ultima necat.
Baudelaire, L’Art Romantique, 1869.
Quatre mots solennels, quatre mots de latin,
Où tout homme en passant peut lire son destin :
« Chaque heure fait sa plaie et la dernière achève ! »
Oui, c’est bien vrai, la vie est un combat sans trêve,
Un combat inégal contre un lutteur caché
Qui d’aucun de nos coups ne peut être touché ;
Théophile Gautier, Espagne, 1840.
"L'Horloge" est le dernier poème de « Spleen et Idéal », la première section des Fleurs du Mal. L'Horloge, ses aiguilles, les Secondes, le Temps et le Hasard lui-même sont mis en scène, de manière artistique, pour nous communiquer le vertige de l'horreur du néant.
Problématique
Comment Baudelaire met-il en scène l'allégorie de l'Horloge pour nous donner à voir et à ressentir l'angoisse du temps qui passe et de la mort ?
Axes de lecture pour un commentaire composé :
> Des émotions allant de l’inquiétante étrangeté à l’effroi.
> Un symbolisme varié pour représenter des idées universelles.
> Des allégories qui se métamorphosent et se confondent.
> Une mise en scène frappante, qui dramatise chaque tableau.
> La fatalité, horizon de mort implacable.
> Une tentative d’extraire l’or par le travail de l’art.
[...]
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Max Schödl, Nature morte avec une horloge antique, 1880 (détail).