Couverture du livre Candide de Voltaire

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Couverture pour Candide

Commentaire composé du chapitre 19 de Candide de Voltaire



Extrait étudié



  En approchant de la ville, ils rencontrĂšrent un nĂšgre Ă©tendu par terre, n'ayant plus que la moitiĂ© de son habit, c'est-Ă -dire d'un caleçon de toile bleue ; il manquait Ă  ce pauvre homme la jambe gauche et la main droite.
  « — Eh, mon Dieu ! lui dit Candide en hollandais, que fais- tu lĂ , mon ami, dans l'Ă©tat horrible oĂč je te vois ?
  — J'attends mon maĂźtre, M. Vanderdendur, le fameux nĂ©gociant, rĂ©pondit le nĂšgre.
  — Est-ce M. Vanderdendur, dit Candide, qui t'a traitĂ© ainsi ?
  — Oui, monsieur, dit le nĂšgre, c'est l'usage. On nous donne un caleçon de toile pour tout vĂȘtement deux fois l'annĂ©e. Quand nous travaillons aux sucreries, et que la meule nous attrape le doigt, on nous coupe la main ; quand nous voulons nous enfuir, on nous coupe la jambe : je me suis trouvĂ© dans les deux cas. C'est Ă  ce prix que vous mangez du sucre en Europe. Cependant, lorsque ma mĂšre me vendit dix Ă©cus patagons sur la cĂŽte de GuinĂ©e, elle me disait : “ Mon cher enfant, bĂ©nis nos fĂ©tiches, adore-les toujours, ils te feront vivre heureux, tu as l'honneur d'ĂȘtre esclave de nos seigneurs les blancs, et tu fais par lĂ  la fortune de ton pĂšre et de ta mĂšre. " HĂ©las ! je ne sais pas si j'ai fait leur fortune, mais ils n'ont pas fait la mienne. Les chiens, les singes et les perroquets sont mille fois moins malheureux que nous. Les fĂ©tiches hollandais qui m'ont converti me disent tous les dimanches que nous sommes tous enfants d'Adam, blancs et noirs. Je ne suis pas gĂ©nĂ©alogiste ; mais si ces prĂȘcheurs disent vrai, nous sommes tous cousins issus de germains. Or vous m'avouerez qu'on ne peut pas en user avec ses parents d'une maniĂšre plus horrible.
  — Ô Pangloss ! s'Ă©cria Candide, tu n'avais pas devinĂ© cette abomination ; c'en est fait, il faudra qu'Ă  la fin je renonce Ă  ton optimisme.
  — Qu'est-ce qu'optimisme ? disait Cacambo.
  — HĂ©las ! dit Candide, c'est la rage de soutenir que tout est bien quand on est mal “.
  Et il versait des larmes en regardant son nĂšgre ; et en pleurant, il entra dans Surinam.



Introduction



Nous allons Ă©tudier le dĂ©but du chapitre 19 de Candide, l’oeuvre de Voltaire. Ce passage est un moment de basculement dans l’évolution du personnage de Candide : c’est lors de cet Ă©pisode qu’il remet en cause pour la premiĂšre fois la philosophie optimiste de son maĂźtre Pangloss. En effet, Candide a dĂ©jĂ  vu les horreurs de la guerre et de l’inquisition, mais il continue de penser que tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles. Selon la philosophie optimiste de Leibniz, le malheur est en effet un moindre mal, nĂ©cessaire pour organiser le monde le plus harmonieusement possible. Pour Voltaire au contraire, les hommes sont responsables du mal, et souvent celui-ci n’a aucune cause justifiable : c’est Ă  dire qu’il est absurde. Dans notre passage, Candide rencontre un esclave qui lui raconte ses conditions de vie. Les horreurs de l’esclavage vont dĂ©montrer justement la responsabilitĂ© humaine et l’absurditĂ© du mal dans le monde. En faisant preuve d’une vĂ©ritable sensibilitĂ©, en exerçant son sens du jugement, Candide va remettre en cause les enseignements de son maĂźtre.

Problématique


Comment Voltaire dĂ©nonce-t-il l’esclavage, de maniĂšre Ă  faire Ă©voluer Ă  la fois le personnage de Candide, et le lecteur, qui sont mis en capacitĂ© d’exercer leur jugement.

Plan


Je propose un plan en 3 parties : D’abord, Voltaire met en scĂšne soigneusement cette rencontre entre Candide et le nĂšgre de Surinam, de maniĂšre Ă  faire ressortir l’horreur du traitement rĂ©servĂ© aux esclaves et la responsabilitĂ© humaine Ă  l’origine de ces pratiques. Ensuite, Voltaire dĂ©nonce la traite des noirs : il nous montre comment elle est organisĂ©e et dĂ©nonce le fonctionnement de ce systĂšme. Enfin, ce passage a un rĂŽle dans l’évolution du personnage de Candide : les contradictions et les discours trompeurs sont dĂ©noncĂ©s ; Candide fait preuve d’un jugement Ă©clairĂ© et humain.

I - Mise en scĂšne d’un tĂ©moignage



1) Une rencontre frappante


Tout d’abord, Voltaire met en scĂšne la rencontre de Candide avec le nĂšgre de Surinam, de maniĂšre Ă  nous faire comprendre la valeur du tĂ©moignage de ce personnage. La rencontre est particuliĂšrement frappante. D’un cĂŽtĂ© nous avons Candide et Cacambo qui sont actifs : ils “s’approchent”, ils se dĂ©placent (l.1) tandis que l’esclave est immobile, â€œĂ©tendu par terre” (l.1) et mutilĂ©. L’incapacitĂ© de bouger et la position aussi bas que terre symbolisent l’absence de libertĂ© et la bassesse de la condition sociale des esclaves. Candide voyant cela, utilise une exclamation (l.4) “Eh, mon Dieu !”, une interrogation “Que fais-tu lĂ  ?” et une apostrophe “mon ami”. En mĂȘme temps qu’il proclame son Ă©galitĂ© avec l’esclave, il s’indigne et s’interroge. Candide fait preuve pour la premiĂšre fois d’un vĂ©ritable jugement : il dĂ©nonce spontanĂ©ment cet Ă©tat ”horrible” (l.5). Cet adjectif fait Ă©cho au jugement que l’auteur : (l.3) “ce pauvre homme”. Candide et Voltaire parlent d’une mĂȘme voix, ce qui est rare depuis le dĂ©but du rĂ©cit. La plus grande partie du passage est la rĂ©ponse de l’esclave, qui va expliquer son Ă©tat actuel (l.9 Ă  23) au discours direct. Cela renforce la dimension de tĂ©moignage de sa prise de parole. Nous avons mĂȘme un discours direct imbriquĂ© avec les paroles rapportĂ©es de sa mĂšre. Le personnage du nĂšgre de Surinam, de par sa politesse non feinte “Oui Monsieur” (l.9) tient un discours de vĂ©ritĂ©. Ce n’est pas un personnage trompeur comme Candide a dĂ©jĂ  pu en rencontrer (on peut penser par exemple aux soldats qui l’ont recrutĂ© de force).

2) L’horreur est montrĂ©e avec Ă©vidence


L’horreur de la situation du nĂšgre est montrĂ©e de façon trĂšs simple, Ă©vidente. Il n’a plus que la moitiĂ© de son habit (l.2) mais on apprend immĂ©diatement (grĂące Ă  la prĂ©position “de” (l.2) que son habit n’était en fait qu’un caleçon de toile bleu. C’est Ă  dire moins de la moitiĂ© de ce qu’on entend habituellement par un habit. Syntaxiquement, tout ce qui manque Ă  l’esclave est mis sur le mĂȘme plan : “n’ayant plus” (l.3) fait Ă©cho Ă  “il manquait”. L’habit est ainsi mis en parallĂšle avec “la jambe gauche, la main droite” (l.3). Ainsi la moitiĂ© de l’habit dĂ©nonce en fait la rĂ©duction du personnage Ă  une moitiĂ© de corps humain. Par ce procĂ©dĂ©, Voltaire oblige le lecteur Ă  reconstituer lui-mĂȘme les niveaux de gravitĂ©, et donc Ă  s’indigner. On enlĂšve Ă  l’esclave le nĂ©cessaire : son habit, sa libertĂ©, son corps mĂȘme ne lui appartient plus. En face de cela, Voltaire met le superflu “C’est Ă  ce prix que vous mangez du sucre en Europe” (l.13). Les intĂ©rĂȘts Ă©conomiques et le commerce ont plus d’importance que la vie humaine. Avec la deuxiĂšme personne du pluriel qui est utilisĂ©e ici “vous”, se pose la question de la responsabilitĂ© des occidentaux.

3) ResponsabilitĂ© des ĂȘtres humains


En effet, Voltaire s’attache Ă  montrer que la situation de l’esclave engage la responsabilitĂ© des ĂȘtres humains. D’abord c’est “en approchant de la ville” (l.1) que Candide et Cacambo rencontrent le nĂšgre : l’esclavage est liĂ© Ă  l’activitĂ© humaine. Ensuite, Candide pose spontanĂ©ment la question : “est-ce M. Vanderdandur, qui t’a traitĂ© ainsi ?” (l.6) M. Vanderdandur reprĂ©sente en fait l’ensemble des personnes qui profitent de la traite des noirs. Son nom a une dimension symbolique, on y entend le mĂ©tier “vendeur” et le mot “dur” : cette duretĂ© est accentuĂ©e par les allitĂ©rations en “d”. L’adjectif “fameux” (l.6) peut ainsi prendre plusieurs sens : est-il cĂ©lĂšbre pour sa richesse, pour sa duretĂ© en affaires, pour sa cruautĂ© ? Cette tournure incite le lecteur Ă  se poser la question : qui profite rĂ©ellement de ce commerce ?
En effet les personnes responsables de la traite des noirs sont prĂ©sentes dans ce passage, mais de maniĂšre trĂšs impersonnelle : comme ci elles n’avaient pas de nom, pas de visage. Plusieurs fois, le pronom indĂ©fini “on” est utilisĂ© : “on nous donne” (l.9) “on nous coupe” (l.11 et 12). Parfois, nous attendons un complĂ©ment “ma mĂšre me vendit” (l.14) : la question qui se pose tout de suite, c’est : Ă  qui ? le complĂ©ment d’objet indirect est absent. Le lecteur est obligĂ© de restituer Ă  chaque fois le sujet ou le destinataire de l’action. Ce “on” qui est utilisĂ© pour les maĂźtres s’oppose au “nous” qui est utilisĂ© pour les esclaves : “nous travaillons” (l.10) “nous voulons” (l.11) : Voltaire montre que les personnes dominĂ©es sont humaines, tandis que les dominants se conduisent sans humanitĂ©.

Transition vers la deuxiĂšme partie


MĂȘme si nous avons un cas particulier avec un esclave maltraitĂ© par son maĂźtre, le passage a Ă©videmment une dimension gĂ©nĂ©rale, collective. Voltaire dĂ©nonce la traite des noirs, il montre que c’est un systĂšme trĂšs organisĂ©, codifiĂ©, qui profite de la complicitĂ© des institutions humaines.

II - DĂ©nonciation de la traite des noirs



1) Le code noir


Tout d’abord, la traite des noirs est organisĂ©e juridiquement, elle est encadrĂ©e par ce qu’on appelle le code noir depuis 1685. “C’est l’usage” (l.9) dit l’esclave : il explique cela sans ressentiment, sans se plaindre. Il n’y a aucun pathos dans ce passage : on ne nous parle pas du tout de la douleur des amputations. Le terme “usage” passe sous silence l’horreur de la mutilation en indiquant qu’elle est pratiquĂ©e systĂ©matiquement, froidement. L’absence de rĂ©volte de l’esclave oblige le lecteur Ă  s’approprier le sentiment d’indignation. Les rĂšgles du code sont prĂ©sentĂ©es en raccourci : les causes “la meule nous attrape le doigt”, “nous voulons nous enfuir” (l.11-12) sont juxtaposĂ©es aux consĂ©quences “on nous coupe la main” “on nous coupe la jambe”. Leur application apparaĂźt immĂ©diate, implacable, disproportionnĂ©e. “Je me suis trouvĂ© dans les deux cas” (l.12) la tournure passive de cette phrase rĂ©vĂšle justement que toute libertĂ© et toute volontĂ© sont refusĂ©s Ă  l’esclave.

2) Le commerce triangulaire


Ensuite, Voltaire dĂ©crit le commerce triangulaire Ă  travers le rĂ©cit de l’esclave. L’histoire commence avec le passĂ© simple “lorsque ma mĂšre me vendit” (l.14). À travers ce destin individuel, c’est l’histoire de tout un peuple qui est racontĂ© : on comprend que la vente d’un individu implique en fait tout un marchĂ©, tout un commerce extrĂȘmement bien structurĂ©. Les Ă©tapes de ce commerce sont parfaitement retracĂ©es : il est parti de la cĂŽte de GuinĂ©e (Afrique de l’ouest), pour ĂȘtre vendu Ă  un nĂ©gociant hollandais (en Europe) qui l’a transportĂ© Ă  Surinam (c’est Ă  dire en AmĂ©rique du sud). Les enjeux Ă©conomiques sont mis en parallĂšle avec la valeur d’une vie humaine : “dix Ă©cus patagons” est dĂ©risoire en face du malheur “les chiens, les singes et les perroquets sont mille fois moins malheureux que nous” (l.18-19). On peut se demander comment les parents du nĂšgre furent contraints Ă  vendre leur propre enfant. “Je ne sais pas si j’ai fait leur fortune, mais ils n’ont pas fait la mienne” (l.17-18) cette phrase contient une litote : ils n’ont pas fait ma fortune signifie en fait : ils ont fait mon malheur.

3) Le rĂŽle de l’église


Enfin, Voltaire dĂ©nonce la religion et l’église qui laissent faire ce commerce. Lorsque Candide Ă©chappe Ă  la guerre et arrive en Hollande, il espĂšre trouver un pays oĂč les hommes s’entraident car il sait que c’est un pays chrĂ©tien. En rĂ©alitĂ©, les nĂ©gociants hollandais et les prĂȘcheurs profitent chacun Ă  leur maniĂšre du commerce des esclaves. Les premiers s’enrichissent, les second veulent sauver des Ăąmes. En effet, on apprend que l’esclave s’est converti (l.46) et a appris la langue de ses maĂźtres : il parle le hollandais (l.4). Cependant on devine que cette conversion s’est faite Ă  marche forcĂ©e. Le nĂšgre continue de parler de fĂ©tiches pour dĂ©signer les prĂȘtres, qui sont pour lui les “fĂ©tiches hollandais” (l.19). On comprend indirectement qu’il assiste Ă  la messe : “ils me disent tous les dimanches que nous sommes tous enfants d’Adam” (l.20) cette tournure de phrase est naĂŻve car la dimension rituelle est remplacĂ©e par celle de la rĂ©pĂ©tition “tous les dimanches”. Le verbe “dire” signifie en fait qu’il assiste Ă  des sermons. Voltaire est dĂ©iste : il croit en un Dieu, mais il critique les religions, leurs superstitions, leur volontĂ© de convertir et de jouer un rĂŽle politique.

Transition vers la troisiĂšme partie


Ainsi, Ă  travers l’histoire du nĂšgre de Surinam, Voltaire nous fait un tableau complet de l’esclavage tel qu’il se pratique au 18e siĂšcle. En dĂ©couvrant cela, Candide est bouleversĂ©. Nous allons voir dans une troisiĂšme partie que ce passage est une vĂ©ritable rĂ©vĂ©lation pour Candide, qui Ă©volue et remet en cause les prĂ©ceptes optimistes de son maĂźtre.

III - C’est une rĂ©vĂ©lation pour Candide



1) Des personnages manipulés


Tout d’abord, dans ce passage, l’esclave montre Ă  Candide l’effet manipulateur des discours, et il lui fait comprendre le danger des illusions, en rapportant directement les paroles de sa mĂšre. Candide assiste Ă  cela, et pour la premiĂšre fois il n’est pas dupe des mots. Comment fait Voltaire pour rendre visible la naĂŻvetĂ© de la mĂšre de l’esclave ? D’abord, son discours n’est qu’une ritournelle. En effet, alors que le passage commence au passĂ© simple avec le verbe vendre, le verbe “dire” est utilisĂ© Ă  l’imparfait “elle me disait”. L’imparfait est le temps de la rĂ©pĂ©tition dans le passĂ© : on comprend qu’elle se contente de rĂ©pĂ©ter le discours des “Seigneurs blancs” (l.16). Ensuite, tous ses conseils s’avĂšrent mauvais. Les impĂ©ratifs “bĂ©nis nos fĂ©tiches, adore-les” incitent Ă  la passivitĂ© face aux Ă©vĂ©nements. Le futur prophĂ©tique employĂ© alors “ils te feront vivre heureux” est Ă©videmment dĂ©menti par le reste du passage et par la rĂ©action de Candide, qui refuse finalement de “soutenir que tout est bien quand on est mal” (l.27-28).

2) La mise Ă  jour des contradictions


Mais surtout, de nombreuses contradictions sont mises Ă  jour dans ce passage. Elles sont tellement visibles qu’elles ouvrent les yeux de Candide. Par exemple, la mĂšre parle de “l’honneur d’ĂȘtre esclave”. C’est un oxymore, l’association de 2 termes que tout oppose ici l’honneur, et le fait d’ĂȘtre esclave. Cette figure rĂ©vĂšle Ă  quel point le discours du dominant est manipulateur. De mĂȘme le terme fortune (l.16) signifie exactement l’inverse : le malheur. L’esclave n’est pas dupe, il coupe court avec le mot “hĂ©las” (l.17). Ce seul mot vient dĂ©mentir tout ce qui vient d’ĂȘtre dit. Une deuxiĂšme contradiction importante est dĂ©couverte dans les paroles des prĂȘcheurs, et bien expliquĂ©e par l’esclave : “si ces prĂȘcheurs disent vrai, nous sommes tous cousins issus de germains (l.21-22). Pas besoin d’ĂȘtre un spĂ©cialiste pour voir la contradiction “je ne suis pas gĂ©nĂ©alogiste” (l.21) dit l’esclave. Il finit de convaincre Candide en l’interpellant : “vous m’avouerez qu’on ne peut pas en user avec ses parents de maniĂšre plus horrible”.

3) Une démarche de Candide


En effet, de nombreux Ă©lĂ©ments nous laissent comprendre que Candide a gagnĂ© en luciditĂ© pendant ce passage. D’abord, il pose des questions “Est-ce M. Vanderdandur qui t’a traitĂ© ainsi ?” (l.8). Il ne demande pas “qui t’a traitĂ© ainsi ?” qui serait une question naĂŻve, au contraire, il a devinĂ© la rĂ©ponse : cela signifie qu’il sait dĂ©sormais que certains hommes se comportent avec mĂ©chancetĂ©. L’indignation de Candide est visible dans les jugements qu’il porte : le mot “horrible” au dĂ©but du passage (l.5) fait Ă©cho au mot “abomination” qui se trouve Ă  la fin (l.24). Ce qui permet Ă  Candide de devenir lucide, c’est l’empathie, la capacitĂ© Ă  se mettre Ă  la place de l’autre et Ă  ressentir sa souffrance. Contrairement Ă  l’épisode oĂč Candide traverse les champs de bataille en pensant uniquement Ă  Mademoiselle CunĂ©gonde, ici Candide est touchĂ© par le destin de l’esclave : “il verse des larmes en regardant son nĂšgre.” Le pronom possessif “son” qui est utilisĂ© ici montre bien qu’il partage son ressenti. Pour la premiĂšre fois, Candide remet en cause les prĂ©ceptes de son maĂźtre. Il l’apostrophe “Ô Pangloss, c’en est fait, il faudra qu’à la fin je renonce Ă  ton optimisme.” On comprend par cette phrase que l’histoire du nĂšgre de Surinam le fait changer d’avis, mais que les doutes existaient dĂ©jĂ .

Conclusion



Dans ce passage, Voltaire fait Ă©voluer le personnage de Candide, qui commence Ă  questionner le monde qui l’entoure, et Ă  prendre conscience de la vĂ©ritable place du mal dans le monde. Parfois, le malheur est gratuit, absurde, et disproportionnĂ©. Cette dĂ©couverte des horreurs de l’esclavage donne une vĂ©ritable dimension initiatique au voyage de Candide. Avec ce texte, Voltaire s’engage trĂšs fortement contre l’esclavage, il dĂ©nonce le code noir, le commerce triangulaire et la complicitĂ© des institutions humaines. Tous les philosophes des lumiĂšres : Rousseau, Diderot, Montesquieu, ont Ă©crit contre l’esclavage. Voltaire montre dans ce texte que les horreurs de l’esclavage ne peuvent pas nous laisser indiffĂ©rents. Nul besoin d’ĂȘtre un expert ou un philosophe pour faire preuve d’empathie, pour se mettre Ă  la place d’un autre ĂȘtre humain, et dĂ©noncer ce qui nous semble mal. Dans son dictionnaire philosophique, Voltaire Ă©crit : « La loi naturelle est l’instinct qui nous fait sentir la justice. »

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