Lecture correcte et expressive
à l’oral du bac de français
Une des premières choses que l'examinateur va noter, c'est votre lecture de l'extrait : si vous lisez bien, vous vous assurez déjà un minimum de points. Or, ça tombe bien, vous avez déjà tous vos textes sous la main : il suffit donc de s'entraîner un peu à l'avance pour être sûr de réussir ! On va donc voir ensemble comme baliser votre lecture dès le début de vos révisions.
Parfois, l'examinateur peut vous interrompre au milieu de votre lecture : ça peut être un peu décevant si vous vous êtes beaucoup préparé… En fait, c'est très bon signe : il estime que vous avez parfaitement lu. Et surtout, on va voir ensemble que ce travail n'est jamais perdu, il est même très utile, d'abord pour entrer dans l'analyse en douceur, et ensuite pour réviser et même enrichir vos fiches presque sans effort.
Du coup, ce qu'on va voir ensemble, c'est un peu plus que de simples techniques de lecture : c'est une manière d'aborder les textes qui révèle déjà leur fonctionnement profond. Pour vous préparer à toute éventualité, on va voir ensemble trois types de texte qui impliquent des lectures un peu différentes : le roman, la poésie, et le théâtre.
Lire un extrait de roman
D'abord, si vous le pouvez, enregistrez-vous régulièrement avec un dictaphone, et repérez les moments où vous butez : il y a forcément une bonne raison. Vous allez même voir que tout ce qui est inhabituel peut être considéré comme un effet de style. Pour l'exemple, on va prendre un extrait de La Curée de Zola, parce qu'il présente plusieurs difficultés de lecture.
D'abord la syntaxe : on commence avec une phrase complexe un peu longue… L'auteur veut ralentir le rythme. On va donc lire lentement, en prenant bien en compte la ponctuation pour prendre sa respiration. D'ailleurs, on peut même ajouter des moments de silence entre les groupes de mots : vous montrez ainsi à l'examinateur que vous avez bien repéré la structure grammaticale du texte :
Il vint un moment où le rayon qui glissait — entre deux nuages, fut si resplendissant, que les maisons semblèrent flamber — et se fondre — comme un lingot d'or — dans un creuset.
Vous voyez qu'ici vous pouvez faire ressortir les CCL, et la comparaison, rien qu'avec des pauses dans la lecture. Vous y gagnez dans tous les cas : si vous choisissez de ne pas les analyser, vous aurez au moins montré à l'examinateur que vous les avez repérés… Si vous les analysez, vous pourrez plus facilement faire allusion aux CCL au moment où vous citez la comparaison.
Si vous butez sur un mot en particulier, c'est peut-être parce qu'il participe à des jeux sonores. Vous allez voir qu'il suffit d'insister sur les consonnes ou les voyelles qui se répètent pour faciliter votre lecture. Par exemple ici : « les maisons semblèrent flamber et se fondre ».
Parfois, on bute sur un mot, pas forcément parce qu'il est difficile à prononcer, mais parce qu'on n'a pas l'habitude de le prononcer, c'est un mot rare, qu'on rencontre peu à l'oral. Demandez-vous tout de suite si vous pouvez en donner la définition : la plupart du temps, ça vaut le coup de le chercher dans le dictionnaire. Vous allez peut-être même découvrir des sens ou une étymologie que vous ne soupçonniez pas !
Par exemple ici les mots « creuset … alambic … chimiste » sont plutôt rares à l'oral. C'est intéressant parce que ça fait tout de suite ressortir un champ lexical un peu particulier : pourquoi ce terme de « chimiste », alors qu'on aurait plutôt envie de dire « alchimiste » ? On est en plein dans le roman expérimental : le vocabulaire scientifique est toujours révélateur chez Zola.
Pour les noms propres, la plupart du temps ça vaut le coup de les chercher dans le dictionnaire ou sur internet : vous pouvez même trouver leur prononciation sur wiktionnaire. Par exemple pour le mot « Vendôme » vous aurez même un fichier audio qui va vous aider à le prononcer.
Pour tous les types de textes, repérez bien à l'avance les liaisons. Par contre, vous ne pourrez pas venir le jour de l'oral avec un texte annoté : il vaut donc mieux s'entraîner à l'avance pour ne pas avoir besoin d'y penser le jour J.
Une difficulté de notre texte ici, ce sont les dialogues, parce que les personnages sont très opposés : Angèle, une jeune femme effacée, et Aristide Saccard, avec sa verve de méridional. Mais rassurez-vous : pas besoin d'avoir de grands talents d'acteur. Le principal, c'est de parler distinctement et de mettre un peu d'intention dans la voix. Si on distingue bien les deux personnages, et la voix du narrateur, pas besoin de donner à Saccard un bel accent du sud, sauf si ça vous fait plaisir évidemment !
Il vint un moment où le rayon qui glissait entre deux nuages, fut si resplendissant, que les maisons semblèrent flamber et se fondre comme un lingot d'or dans un creuset.
— Oh ! vois, dit Saccard, avec un rire d'enfant, il pleut des pièces de vingt francs dans Paris ! »
Angèle se mit à rire à son tour, en accusant ces pièces-là de n'être pas faciles à ramasser. Mais son mari s'était levé, et s'accoudant sur la rampe de la fenêtre :
— C'est la colonne Vendôme, n'est-ce pas, qui brille là-bas?... [...] Ah ! cette fois tout va brûler ! Vois-tu ?... On dirait que le quartier bout dans l'alambic de quelque chimiste".
Vous voyez que la lecture met déjà en valeur la structure profonde du passage. On distingue tout de suite, très visuellement, des notions que vous connaissez depuis le collège : le type de texte, descriptif, dialogal, narratif.
D'ailleurs, on entend bien la progression de la narration dans ce passage, rien que dans le ton d'Aristide Saccard : à partir du lien logique d'opposition, il s'anime, échauffé par le vin, il s'oublie… On découvre le noeud de l'intrigue : la destruction de Paris. Ce passage est souvent étudié, parce qu'il se trouve justement au cœur du roman. Le futur proche, composé avec le verbe « aller », constitue une prolepse : il annonce des événements à venir.
Lire un texte versifié
On va prendre par exemple le début du Loup et l’Agneau de La Fontaine. C’est un bon exemple, parce qu’on y trouve toutes les embûches possibles…
D’abord, on a des mètres variés : octosyllabes, alexandrins, et même un décasyllabe (8, 12 et 10 syllabes). En comptant les syllabes, on commence par repérer les -e muets : devant consonne, on les prononcera comme une syllabe entière, sinon, ils s'effacent devant la voyelle suivante. On trouve les deux cas ici dans le même vers :
Dans le courant d’une onde pure.
Ensuite, une astuce pour bien lire la poésie, c'est de repérer à l’avance les coupes (une accentuation au milieu du vers qui lui donne une respiration). À priori, ce sera après la 4e ou la 6e syllabe, mais c’est un critère subjectif, donc n’hésitez pas à marquer l’accentuation là où ça vous semble le plus naturel. Par exemple ici :
Nous l’allons montrer / tout à l’heure.
C’est intéressant parce que ça donne déjà un ton un peu péremptoire à cette morale, qui est affirmée exprès de manière un peu abrupte par le fabuliste : on pourra certainement commenter ça par la suite !
Parfois il faudra un peu d’entraînement pour trouver la mélodie des phrases. Par exemple ici, ce n’est pas forcément très facile d’accentuer sur le pronom personnel réfléchi, et pourtant, ça donne du rythme à la lecture.
Un agneau se / désaltérait
Dans le courant / d’une onde pure.
Attention au décasyllabe : il va forcément demander un découpage particulier. Ici par exemple, on pourra détacher le CCT. C'est intéressant parce que ça permet de créer un effet de suspense :
Et que la faim / en ces lieux / attirait.
Parfois, le jeu est rendu plus complexe par la succession des voyelles. Par exemple, vous pouvez avoir deux voyelles qui appartiennent à deux syllabes séparées (la liaison n'est pas possible ou simplement facultative) : c'est ce qu'on appelle un hiatus. En général, les poètes classiques évitent au maximum cette configuration, mais quand ça arrive, on peut parier que c'est pour mieux exprimer un moment de malaise. Ici par exemple :
Et que la faim / en ces lieux / attirait.
Quand vous rencontrez deux voyelles dans un même mot, elles sont parfois prononcées dans la même syllabe, c'est ce qu'on appelle une synérèse. On pourra commenter ce phénomène en disant que c'est un effet d'accélération.
Un loup survient à jeun, qui cherchait aventure
Et que la faim en ces lieux attirait.
Par contre, s'il vous manque une syllabe, c'est peut-être parce qu'en réalité deux voyelles qui se suivent sont prononcées dans deux syllabes séparées : c'est ce qu'on appelle une diérèse. Par exemple ici :
Tu seras châtié de ta témérité.
Dernier piège dans notre passage : on aurait tendance à dire : « un loup survint à jeun » avec un passé simple : c'est normal, on fait naturellement la concordance des temps avec l’imparfait. Mais c’est justement un effet de style : il faudra bien faire attention à prononcer le présent de l’indicatif « un loup survient à jeun »… En restant attentif à ces petites erreurs de lecture spontanées, on décèle déjà des éléments d’analyse.
Comme pour le dialogue de tout à l'heure, on va bien distinguer le narrateur et les répliques des personnages, et mettre un peu d'intention dans la voix. En fait, pas besoin de changer le volume, ni la hauteur, ni même la vitesse de lecture. Tout passe par l'intonation et les pauses entre les mots :
La raison du plus fort est toujours la meilleure :
Nous l'allons montrer tout à l'heure.
Un agneau se désaltérait
Dans le courant d'une onde pure.
Un loup survient à jeun, qui cherchait aventure
Et que la faim en ces lieux attirait.
— Qui te rend si hardi de troubler mon breuvage ?
Dit cet animal plein de rage :
Tu seras châtié de ta témérité.
Ici encore, la lecture invite directement à découper le récit en grands mouvements : les types de texte accompagnent le schéma narratif. Le type descriptif à l'imparfait présente bien la situation initiale, le type narratif est introduit par le présent avec l'élément perturbateur… Comme souvent dans la fable ou au théâtre, les paroles sont des actions, les répliques sont des péripéties, le dialogue fait progresser l'intrigue.
Lire un passage théâtral
J'ai gardé le plus dur pour la fin, un passage de Hernani de Victor Hugo : le texte est en vers, des alexandrins, qui sont en plus complètement disloqués, parfois même entre plusieurs répliques. Les phrases se poursuivent d'un vers à l'autre, souvent même en coupant des groupes qui ont une cohérence grammaticale : c'est ce qu'on appelle un enjambement. On rencontre tous ces cas dans notre passage.
Quand la fin de la phrase se trouve rejetée au vers suivant : c'est un rejet. Quand le début de la phrase se trouve en fin de vers, c'est un contre-rejet.
DOÑA SOL
Nous partirons demain.
Hernani, n'allez pas sur mon audace étrange >
Me blâmer. Êtes-vous mon démon ou mon ange ?
Je ne sais, mais je suis votre esclave. Écoutez, >
Allez où vous voudrez, j'irai. Restez, partez,
Je suis à vous. Pourquoi fais-je ainsi ? Je l'ignore.
J'ai besoin de vous voir et de vous voir encore >
Et de vous voir toujours.
Bien sûr, on pourra commenter cette utilisation de l'alexandrin que Victor Hugo justifie longuement dans sa Préface de Cromwell :
Le vers est la forme optique de la pensée. Voilà pourquoi il convient surtout à la perspective scénique. Fait d’une certaine façon, il communique son relief à des choses qui, sans lui, passeraient insignifiantes et vulgaires. Il rend plus solide et plus fin le tissu du style. C’est le nœud qui arrête le fil. C’est la ceinture qui soutient le vêtement et lui donne tous ses plis.
Victor Hugo, Préface de Cromwell, 1828.
En lisant ce passage, on comprend bien que ce serait une erreur de mettre de côté complètement la métrique… Mais ce serait aussi dommage de faire rentrer de force toutes les répliques dans le carcan du vers en s'arrêtant à la fin de chaque alexandrin. Du coup, mon parti pris, ce serait de respecter les enjambements en enchaînant les vers qui se suivent, mais de respecter aussi des coupes régulières toute les 4 ou 6 syllabes en fonction de la syntaxe.
DOÑA SOL
[...] Quand le bruit de vos pas
S'efface, alors je crois que mon coeur ne bat pas,
Vous me manquez, je suis absente de moi-même ;
Mais dès qu'enfin ce pas que j'attends et que j'aime
Vient frapper mon oreille, alors il me souvient
Que je vis, et je sens mon âme qui revient !
Cette lecture est particulièrement intéressante, parce qu'elle révèle les intentions de Victor Hugo : on entend le bruit des pas d'Hernani, qui représente implicitement le battement du cœur de Doña Sol, et cela révèle même tout un réseau d'assonances et de rimes internes.
Les didascalies, ce sont ces indications en italique qui précisent des éléments de mise en scène dans une pièce de théâtre. Deux possibilités : dans le théâtre classique, chez Corneille, Racine, Molière, ce sont la plupart du temps de simples indications d'intonation. Elles peuvent indiquer par exemple un aparté : une réplique dite à part, qui n'est entendue que par le spectateur. Dans ce cas, précisez à l'examinateur que vous ne lirez pas les didascalies, mais que vous en rendrez-compte par l'intonation de la lecture.
Mais ici chez Victor Hugo, et souvent, dans le théâtre du XXe siècle, chez Beckett et Ionesco par exemple, les didascalies sont essentielles à la compréhension du texte. Précisez à l'examinateur que vous allez les lire pour mieux ensuite les prendre en compte dans votre analyse.
Dernière difficulté du texte d'Hernani, les changements de registres. On peut passer d'un ton lyrique à un ton dramatique ou comique, d'une réplique à l'autre : montrez par les contrastes de l'intonation que vous avez compris les effets voulus par le dramaturge.
HERNANI, la serrant dans ses bras.
Ange !
DOÑA SOL
À minuit. Demain. Amenez votre escorte.
Sous ma fenêtre. Allez, je serai brave et forte.
Vous frapperez trois coups.
HERNANI
Savez-vous qui je suis,
Maintenant ?
DOÑA SOL
Monseigneur, qu'importe ! Je vous suis.
HERNANI
Non, puisque vous voulez me suivre, faible femme,
Il faut que vous sachiez quel nom, quel rang, quelle âme,
Quel destin est caché dans le pâtre Hernani.
Vous vouliez d'un brigand, voulez-vous d'un banni ?
DON CARLOS, ouvrant avec fracas la porte de l'armoire.
Quand aurez-vous fini de conter votre histoire ?
Croyez-vous donc qu'on soit si bien dans une armoire ?
Hernani recule étonné. Doña Sol pousse un cri et se réfugie dans ses bras, en fixant sur don Carlos des yeux effarés.
C'est un bon exemple ici : ce qui est structurant, au théâtre, c'est la répartition de la parole. D'abord une longue tirade de Doña Sol, qui mêle les registres lyrique et pathétique. Puis, un dialogue enflammé entre les deux amants, qui se termine même sur une petite note tragique, aussitôt interrompue par le surgissement de Don Carlos de l'armoire, mais le registre comique est vite remplacé par le registre dramatique : les épées seront même tirées…
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