Couverture pour Les Faux-Monnayeurs

André Gide, Les Faux-Monnayeurs
Présentation du roman



Les Faux-Monnayeurs, on dirait le titre d'un roman policier, et c'est en effet un jeu de piste qui est proposé au lecteur. Pourquoi Robert de Passavant veut-il absolument venir en aide à Vincent ?
ROBERT DE PASSAVANT
— Vincent [...] Je désire mettre à votre disposition une somme équivalente à celle que vous avez perdue [...] et que vous allez risquer de nouveau. [...] Vous me la rendrez si vous gagnez. Sinon, tant pis ! nous serons quittes.


Qui sont ces étranges anarchistes qui fréquentent Robert de Passavant, et qui organisent un trafic de fausses pièces ?
STROUVILHOU
— Je dois vous avouer que, de toutes les nauséabondes émanations humaines, la littérature est une de celles qui me dégoûtent le plus. [...] Je vous en avertis si je dirige une revue, ce sera pour [...] y démonétiser tous les beaux sentiments, et ces billets à ordre : les mots.


Les Faux-Monnayeurs, c'est aussi la tragédie d'un vieil homme qui aimerait voir son petit-fils avant de mourir !
LA PÉROUSE
— Il me semble que… Je m’en irais plus facilement, si seulement j’avais pu le voir.
— Mon pauvre ami [...] Je ferai tout ce qu'il est humainement possible [...] Vous verrez le petit Boris, je vous le promets.


Dès le début du roman, les apparences sont trompeuses, Bernard découvre que le respectable juge d'instruction Profitendieu n'est pas son père.
Monsieur,
J’ai découvert [...] que je dois cesser de vous considérer comme mon père, et c’est pour moi un immense soulagement. [...]


Bernard va fuguer et partir à la recherche de son identité, tout au long d'une quête initiatique. Les Faux-Monnayeurs, c'est aussi un roman d'apprentissage.
L’ANGE
— Il va falloir se décider [...] Tu n’as vécu qu’à l’aventure. Laisseras-tu disposer de toi le hasard ? Tu veux servir à quelque chose. Il importe de savoir à quoi.


Et si c'était Bernard, la fausse pièce de monnaie, celui qui doit découvrir sa véritable valeur ?
BERNARD
— Si j’écrivais Les Faux-Monnayeurs, je commencerais par présenter la pièce fausse… [...] et que voici. [...] On jurerait qu’elle est en or [...] mais elle est en cristal. À l’usage, elle va devenir transparente.


Olivier, le meilleur ami de Bernard, raconte comment son grand frère Vincent a abandonné son amante, qu'il a entendu pleurer sur le pas de la porte.
OLIVIER
— Elle lui disait : « Vincent, mon amant [...] vous n’avez plus le droit de m’abandonner à présent. » [...] Ensuite elle est restée longtemps, [...] presque contre ma porte, à sangloter.


Olivier parle aussi longuement de son oncle Édouard :
OLIVIER
— C’est un demi-frère de maman. [...] Je ne le connais qu’à peine ; mais je l’aime beaucoup. Il ne sait pas que je vais à sa rencontre [demain] et j’ai peur de ne pas le reconnaître. [...] Il écrit des espèces de romans.


Édouard, le romancier, c'est un peu le double d'André Gide, il écrit un roman intitulé Les Faux-Monnayeurs. La mise en abyme commence.
ÉDOUARD
Ce que je veux, c’est présenter d’une part la réalité, [...] d’autre part cet effort pour la styliser. [...] Pour obtenir cet effet, j’invente un personnage de romancier, que je pose en figure centrale ; et le sujet du livre [...] c’est précisément la lutte entre ce que lui offre la réalité et ce que, lui, prétend en faire.


À la gare Saint-Lazare, entre Olivier et Édouard, c'est le coup de foudre, mais, terriblement gênés, ils ne trouvent rien à se dire.
Olivier se taisait ; il sentait ses traits se durcir ; il eût voulu se jeter dans les bras d’Édouard et pleurer. Édouard se méprenait à ce silence, à l’expression de ce visage contracté ; il aimait beaucoup trop pour ne point perdre toute aisance. À peine s’il osait regarder Olivier, qu’il eût voulu serrer dans ses bras [...]
C’est cela. [...] Je l’ennuie… [...] Pauvre petit ! il n’attend qu’un mot de moi pour partir.


Pendant ce temps, Bernard vole la valise d'Édouard et découvre son journal. Il devient alors le double du lecteur, et nous lisons par dessus son épaule
C’est par la lettre de Laura, insérée dans le journal d’Édouard, que Bernard acheva sa lecture. Il eut un éblouissement : il ne pouvait douter que celle qui criait ici sa détresse, ne fût cette amante éplorée dont Olivier lui parlait la veille au soir, la maîtresse abandonnée de Vincent Molinier.
— Ce matin, ce que je dois faire m’apparaissait encore incertain ; à présent je n’ai plus de doute, [...] sauver Laura.


Édouard, Bernard et Laura partent à la recherche du petit Boris, qui a été confié par sa mère à une éminente psychanalyste :
— Il souffre d’une quantité de petits troubles, de tics, de manies, [...] Je crois qu’on peut [...] trouver leur origine dans un premier ébranlement de l’être dû à quelque événement qu’il importe de découvrir.

Mais... c'est Olivier qui aurait dĂ» ĂŞtre le personnage principal de ce livre ! Pas Bernard ! L'auteur lui-mĂŞme s'en Ă©tonne :
Je ne puis point me consoler de la passade qui lui a fait prendre la place d’Olivier près d’Édouard. Les événements se sont mal arrangés. C’est Olivier qu’aimait Édouard. [...] Passavant va l’abîmer, c’est sûr.

Cher Vieux, [...]
Sache que c’est le rédacteur en chef de la nouvelle revue Avant-Garde, qui t’écrit. [...] J’ai accepté d’assumer ces fonctions, dont le comte Robert de Passavant m’a jugé digne. Comme dit Passavant : plus on est jeune, moins le scandale est compromettant.


Gide a un regard très critique sur le monde littéraire parisien du début du siècle. Il se moque d'Alfred Jarry, de Dada et de Marcel Duchamps.
— Veux-tu savoir la composition de notre premier numéro ? [...] Mon Vase nocturne ; [...] un dialogue de Jarry ; [...] et puis le "Fer à repasser", un essai [...] qui s'occupe de tirer au clair ce qu'on entend par "chef-d'œuvre". Par exemple, [...] nous allons donner une reproduction de La Joconde, à laquelle on a collé une paire de moustaches. Tu verras, mon vieux : c’est d’un effet foudroyant.

Alors qu'Édouard, et Bernard, et Laura sont de retour avec Boris, le vieux La Pérouse manque de se suicider !
— Oui, je l’ai chargé. Vous pouvez voir : Il l’est encore. [...] J’ai porté le pistolet à mon front. [...] Je n’ai pas eu le courage de tirer.

Mais le pistolet du vieux La PĂ©rouse tombe en de mauvaises mains.
Non, Ghéridanisol ne chargerait pas le pistolet. Il n’était plus besoin. La cartouche que La Pérouse y avait mise un jour, La Pérouse ne l’avait pas enlevée. C’est ce que Ghéridanisol avait constaté, mais qu’il s’était gardé de dire aux autres. On mit les noms dans un chapeau ; quatre petits billets semblables et uniformément repliés.

Ce roman est riche, foisonnant, les intrigues sont mêlées, mais je crois qu'on y trouve une chose constante : les personnages n'arrivent pas à communiquer, le langage est toujours à côté de la réalité, avec soit des incompréhensions, soit des dissimulations ou carrément des mensonges. Mais justement, pour Gide, le roman est un instrument de vérité, car il invite le lecteur à se mettre à la place de chaque personnage… Ainsi pour Gide, le roman est une quête de lucidité…


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