Anouilh, Antigone (1944).

Pendant l'occupation Allemande, Anouilh réécrit la tragédie de Sophocle... Mais l'Antigone d'Anouilh est une enfant et d'une certaine manière, une résistante. Face à son oncle Créon, elle refuse d'accepter la loi des hommes. Mais contrairement à l'Antigone de Sophocle, ce n'est pas non plus pour obéir à la loi des Dieux. Mais alors, pourquoi ce geste ? Pourquoi désobéir et mourir ? C'est bien toute la question que se posent les résistants en France en 1942. Après sa première représentation en 1944, la Propaganda-Staffel tentera de faire interdire la pièce...

Apollinaire, Alcools (1913).

Apollinaire a voulu saisir l'exceptionnelle vitalité artistique de son époque ! Proche des musiciens et des peintres, il aime l'architecture et se passionne pour les débuts du cinéma... Sa poésie concentre toutes ces découvertes et cette vitalité ! Ce recueil hérite de toute la tradition poétique, depuis Villon jusqu'à Verlaine, en passant par Ronsard, et pourtant, il ne cesse d'innover. "Zone" inaugure le recueil avec la tour Eiffel, puis vient le mont Mirabeau. D'autres poèmes célèbres : La Chanson du Mal-Aimé, Mai, Les Colchiques... Les paysages sont variés, seule constante : la vie du poète se démultiplie dans le regard de ses lecteurs, qui y reconnaissent des expériences universelles...

Camus, L'Étranger (1942).

Un homme est condamné à mort, pour un meurtre absurde. Provoqué par quoi ? Le soleil, la chaleur ? Pourquoi ces quatre coups de feu sur le corps inerte de l'Arabe ? Pas d'excuse ni d'explication possible. Avec ce roman, Camus nous fait rencontrer l'absurdité dans toute sa violence. Le personnage principal, Meursault, raconte les événements de sa vie de façon étrangement objective, sans émotion. Mais derrière cette apparente simplicité, le lecteur fait l'expérience d'une vision du monde effarante. Avec Meursault, nous passons de la stupeur à la révolte, avant de découvrir enfin une réconciliation possible avec l'absurdité du monde.

Céline, Voyage au Bout de la Nuit (1932).

Voyage au bout de la Nuit, c'est d'abord une voix. Celle de Ferdinand Bardamu, le personnage narrateur. Il nous entraîne avec lui dans une aventure effroyable en 4 parties : La Première Guerre Mondiale, les colonies, les États-Unis, l'Europe. Le pessimisme de Céline est total : seuls quelques personnages exceptionnels échappent à la méchanceté et à l'égoïsme généralisé. C'est une philosophie profonde, car son rapport à l'humanité est fondé à la fois sur l'amour et la haine. On est très loin d'un antisémitisme simpliste comme on peut le voir dans ses pamphlets Bagatelles pour un massacre, L'École des Cadavres. Ces textes médiocres ne doivent pas nous faire passer à côté du chef-d'oeuvre.

Ernaux, La femme gelée (1981).

Dans ce roman autobiographique, Annie Ernaux retrace son parcours de jeune femme dans les années 1960, une époque de mutations sociales où la place des femmes est en pleine évolution. Aspirant à l'émancipation, elle se heurte aux conventions et aux présupposés d'une société patriarcale loin d'être aussi progressiste qu'on ne le croit ! Avec une écriture précise, souvent ironique, l'autrice dissèque les contradictions de son époque et livre une analyse fine des rapports de domination. La Femme Gelée est une roman majeur de l'œuvre d'Annie Ernaux, récompensée par le prix Nobel de littérature 2022. Ce roman percutant décrit avec intelligence la condition féminine, dénonce les carcans sociaux, nous indigne, et fait de la littérature un véritable outil d'émancipation.

Gide, Les Faux-Monnayeurs (1925).

Bernard découvre que son père, le respectable juge d'instruction Profitendieu, n'est pas son père ! Il va alors fuguer et commencer une étonnante quête initiatique, à la recherche du sens de sa vie. Dans ses aventures, il va croiser Édouard, écrivain qui consigne dans un Journal toutes les idées pour son prochain roman : Les Faux-Monnayeurs. Et en effet, de mystérieux anarchistes font circuler de la fausse-monnaie. Mais sont-ils les seuls faux-monnayeurs de ce roman ?

Lagarce, Juste la fin du monde (1990).

Jean-Luc Lagarce est le dramaturge le plus joué aujourd'hui en France, après Molière, et cette pièce est la plus célèbre de son œuvre, parce qu'elle touche nos sensibilités contemporaines... Louis sait qu'il va mourir, et il a décidé de l'annoncer à sa famille. Mais il a été absent si longtemps ! Comment les siens vont-ils accueillir la nouvelle ? Va-t-il seulement s'autoriser à se soulager de ce poids ? Avec ces mots toujours à prononcer et à reprendre, Lagarce va au-delà des horizons tracés par le théâtre de l'absurde...

Ponge, La Rage de l'expression (1952).

Ce recueil se présente surtout comme un cahier de notes, prises pour réaliser des poèmes. Et pourtant, chaque texte a une véritable valeur poétique, nous invitant dans l'atelier du poète. Petit à petit, on découvre le parti-pris de Ponge, qui est justement de laisser son sujet le guider par son propre parti pris. Cette étonnante « rage de l'expression » aboutit enfin paradoxalement à une méthode patiente et rigoureuse, qui respecte son sujet, et met de côté tout ce que le poète aimerait projeter de lui-même. Exercice de rigueur et d'humilité, ce recueil laisse finalement toute sa place au lecteur, libre d'exercer sa propre inspiration.

Sarraute, Pour un oui pour un non (1986).

H1 et H2, deux amis d'enfance se retrouvent. Mais H1 a une intuition, il luis semble que son ami s'éloigne. D'abord H2 s'en défend. Mais la discussion fait émerger progressivement des écarts, presque imperceptibles, qui séparent les deux amis... Leur amitié tiendra-t-elle face à ces divergences indicibles ? Dans cette pièce, Nathalie Sarraute explore ce qu'elle appelle des « tropismes » : « mouvements indéfinissables qui glissent très rapidement aux limites de la conscience ; ils sont à l'origine de nos gestes, de nos paroles, des sentiments que nous manifestons, que nous croyons éprouver et qu'il est possible de définir » (dans l'Ère du soupçon, 1986).