Le regard étranger dans
les Lettres persanes
Dans ses Lettres persanes, le regard étranger est "curieux" dans les deux sens du terme : intrigué et intrigant !
Je ne me croyais pas un homme si curieux et si rare que je dusse troubler le repos d’une grande ville !
Certes, il s’agit d’abord d’un regard neuf posé sur l’occident : décentrement salutaire !
Paris est aussi grand qu'Ispahan : les maisons y sont si hautes, qu'on jugerait qu'elles ne sont habitées que par des astrologues.
Mais il est fascinant de déceler l’espièglerie du philosophe qui prétend seulement traduire des lettres.
À mesure que j'entrais dans les pays de ces profanes, il me semblait que je devenais profane moi-même.
Par exemple, les discussions à Ispahan ressemblent étrangement à celles des salons parisiens !
Hier, on mit en question si les hommes étaient heureux par les plaisirs des sens, ou par la pratique de la vertu.
Mais Usbek lui-même est une cible de la satire, notamment à travers le regard féminin de Roxane :
Tu étais étonné de ne point trouver en moi les transports de l'amour: si tu m'avais bien connue, tu y aurais trouvé toute la violence de la haine.
Car Usbek, pourtant fin analyste des systèmes politiques, ne voit pas la révolte qui gronde chez lui !
Dans les États [tyranniques], [...] le moindre accident produit une grande révolution, aussi imprévue de ceux qui la font que de ceux qui la souffrent.
Gentile Bellini, Scribe assis, vers 1500.