Fontenelle, Entretiens sur la pluralité des mondes
Le contexte en 4 points
Qu’est-ce qui fait que cette œuvre est si novatrice à l’époque ? Ce n’est pas encore de la SF, mais c’est du jamais vu !
Les commentateurs sont élogieux, les lectrices ont des vertiges, c’est un succès : l’œuvre est rééditée plus de 30 fois !
Comment ces entretiens, si novateurs à l’époque, continuent-ils de nous toucher ? C’est ce qu’on va voir en 4 points.
1) L’invention de la vulgarisation scientifique
Le jeune Fontenelle a fait des études de philosophie, de physique, et de droit. Mais il n’aime pas plaider, et il veut devenir dramaturge.
Ses deux oncles Thomas et Pierre Corneille sont célèbres ! Mais ses pièces à lui n’ont aucun succès… Il abandonne le théâtre.
Un jour c’est l’idée de génie : pourquoi ne pas parler des sciences, qu’il connaît bien, de manière élégante et agréable ?
Il met en scène une situation inspirée des Salons littéraires, qui parlera à tout le monde, et même aux femmes qui sont pourtant à l’époque souvent exclues de ces sujets.
Dès 1697, Fontenelle met en œuvre son talent de vulgarisateur en tant que secrétaire perpétuel de l’Académie des Sciences.
Comment s’y prend-il ? Il utilise des analogies qui parlent à ses contemporains : le ciel est un opéra, où les astres se meuvent par des mécanismes cachés en coulisses…
2) Des progrès scientifiques bouleversants
Il faut dire aussi que Fontenelle nous présente des progrès scientifiques bouleversants !
Alors que pendant des millénaires, l’homme se croyait au centre de l’univers selon le géocentrisme de Ptolémée… Copernic au contraire fait tourner la Terre parmi les autres planètes autour du soleil : c’est l’héliocentrisme.
Plus vertigineux encore : Avec Descartes, Fontenelle suggère que chaque étoile est entourée de planètes, qui pourraient être habitées…
Au XVIIe siècle, les lunettes astronomiques se perfectionnent, et les microscopes révèlent des organismes dans la moindre goutte d’eau. Ces immensités nous invitent à une certaine humilité !
Fontenelle insiste sur un fait encore plus troublant : l’univers change sans cesse. Les théories scientifiques elles-mêmes sont temporaires.
Quand il présente la théorie des tourbillons de Descartes, il reste prudent, mais il ne se doute pas que Newton est sur le point de la remplacer par sa loi universelle de la gravitation.
3) Un défenseur des modernes
Fontenelle est un homme en avance sur son temps. Pendant le règne de Louis XIV, deux camps se sont formés.
Les Anciens défendent qu’on ne peut pas surpasser les auteurs antiques : c’est ce que pensent Racine, La Fontaine, La Bruyère…
Les modernes disent au contraire qu’il est possible d’aller plus loin. C’est le cas de Perrault, Molière, Fontenelle…
Dans ce débat, Fontenelle développe une métaphore : dans l’antiquité, les arbres n’étaient pas plus grands qu’aujourd’hui : il en va de même pour les hommes…
Il écrit même un Dialogue des morts où, dans l’au-delà , des auteurs d’époques variées se rencontrent. Il en ressort que chaque époque possède son génie et son intelligence…
4) Un précurseur des Lumières
Cette constance du génie humain a une conséquence : elle nous autorise à porter un regard critique sur le passé et donc à faire évoluer notre propre pensée : voilà ce qui fait de Fontenelle un précurseur des Lumières.
Dans son Histoire des oracles, Fontenelle dénonce des superstitions, qui ne tiennent pas face à un examen rationnel : il sera vivement attaqué par des hommes d’Église…
Voltaire, qui a 38 ans de moins que Fontenelle, reconnaît en lui un défenseur de la Raison face à l’obscurantisme :
C’était le discret Fontenelle,
Qui, par les beaux-arts entouré,
Répandait sur eux à son gré
Une clarté vive et nouvelle. [...]
Dans ces lieux où le goût tenait
Le siège heureux de son empire,
D’une main légère il prenait
Le compas, la plume et la lyre
Voltaire, Le Temple du Goût, 1733.
Anonyme, Comet Rosa, 1587.