Couverture pour Le chevalier de la charrette

Chrétien de Troyes,
Le Chevalier de la charrette,
Premier combat contre Méléagant
(Explication linéaire)



Extrait étudié



Mais aux fenĂŞtres de la tour Ă©tait postĂ©e une jeune fille fort avisĂ©e qui rĂ©flĂ©chit et se dit en elle-mĂŞme que le chevalier ne s'Ă©tait certainement pas lancĂ© dans la bataille pour elle ni pour la foule modeste accourue sur la place, et que jamais il ne l'aurait entreprise si ce n'Ă©tait pour la reine. Aussi pense-t-elle que s'il la savait prĂ©sente Ă  la fenĂŞtre, attentive Ă  le regarder, il en retirerait force et audace. Et si elle-mĂŞme avait connu son nom, elle lui aurait volontiers dit de regarder un peu autour de lui. Elle vint alors trouver la reine et lui dit :
— Dame, par Dieu, pour votre bien et pour le nĂ´tre aussi, donnez-moi, je vous prie, le nom de ce chevalier, afin de lui venir en aide : dites-le moi si vous le connaissez.
— Dans votre demande, demoiselle, je n'entends ni haine ni malveillance, tout au contraire : Lancelot du Lac, c'est le nom de ce chevalier, autant que je sache.
— Mon Dieu ! Comme j'en ai le cĹ“ur plein de soulagement et de joie ! dit la jeune fille. Elle s'avance alors et l'interpelle si fort que toute la foule entend sa voix rĂ©sonner très haut :
— Lancelot ! Retourne-toi et regarde celle qui a les yeux fixĂ©s sur toi !
Lorsqu'il entendit son nom, Lancelot n'attendit pas pour se retourner : il fait volte-face et dĂ©couvre lĂ -haut, assise aux galeries de la tour, celle qu'au monde il dĂ©sirait contempler le plus. Dès l'instant oĂą il l'aperçut, il se figea et ne dĂ©tourna plus d'elle ses yeux ni son visage : il prĂ©fĂ©rait plutĂ´t se dĂ©fendre par derrière. MĂ©lĂ©agant cependant le pourchassait autant qu'il pouvait, tout heureux Ă  la pensĂ©e que son adversaire ne pourrait plus lui rĂ©sister.



Introduction



Accroche


• Dans le prologue du roman Le chevalier à la charrette, Chrétien se dit dévoué à sa Dame de Champagne.
• Il met son talent à son service, mais c’est elle qui décide de la matière et du sens du récit.
• De même dans le roman Lancelot ne prend les armes que par dévouement envers la reine.

Situation


• Dans notre passage, Lancelot affronte MĂ©lĂ©agant pour la première fois. Une jeune femme au service de la reine apostrophe le chevalier : son nom est enfin prononcĂ© !
• Mais quand Lancelot rĂ©alise que la reine le regarde, il cesse de combattre. Son attitude paradoxale est intrigante !
• Cette réaction qui fragilise et ridiculise Lancelot révèle un amour plus complexe qu’il n’y paraît au premier abord…

Problématique


Comment cette scène emblĂ©matique oĂą le nom du hĂ©ros est rĂ©vĂ©lĂ©, Ă©claire-t-il les paradoxes de l’amour courtois ?

Mouvements de l’explication linéaire


Le dialogue central organise notre extrait en trois mouvements.
1) Une jeune fille avisée devine les motivations cachées de Lancelot, nous assistons à son raisonnement.
2) Le dialogue avec la reine est central : la jeune femme se fait l’intermĂ©diaire et prononce tout haut le nom de Lancelot.
3) Lancelot n’agit pas comme prĂ©vu : il tourne toute son attention, non sur combat, mais sur la reine qui le regarde.

Axes pour un commentaire composé


I. Un moment clé mis en scène comme un coup de théâtre
    1) Les enjeux autour de la rĂ©vĂ©lation du nom de Lancelot
    2) Le poids d’une rĂ©vĂ©lation publique
    3) La vue de la reine moment dĂ©clencheur
II. Une relation amoureuse réciproque
    1) Le secret d’un amour partagĂ©
    2) La reine domine cette relation amoureuse
    3) Un amour qui pourrait ĂŞtre moteur
III. Les paradoxes de l’amour courtois
    1) Un jeu avec le point de vue des personnages
    2) L’attitude paradoxale de Lancelot
    3) Le risque d’être battu et dĂ©shonorĂ©

Premier mouvement :
Une jeune fille avisée comprend tout



Mais aux fenêtres de la tour était postée une jeune fille fort avisée qui réfléchit et se dit en elle-même que le chevalier ne s'était certainement pas lancé dans la bataille pour elle ni pour la foule modeste accourue sur la place, et que jamais il ne l'aurait entreprise si ce n'était pour la reine. Aussi pense-t-elle que s'il la savait présente à la fenêtre, attentive à le regarder, il en retirerait force et audace. Et si elle-même avait connu son nom, elle lui aurait volontiers dit de regarder un peu autour de lui.

Un personnage intermédiaire important


• Moment clĂ© en plein combat interrompu par un lien d’opposition « Mais aux fenĂŞtres… Â».
• Une jeune fille va avoir un rĂ´le prééminent. Elle se trouve en hauteur « aux fenĂŞtres de la tour Â» (CCL Ă©levĂ©).
• DĂ©jĂ , elle semble reprĂ©senter la reine qui se trouve elle aussi derrière ces « fenĂŞtres Â» : le pluriel est rĂ©vĂ©lateur.
• IntermĂ©diaire entre Lancelot et la reine, la « jeune fille Â» poursuit la sĂ©rie de personnages fĂ©minins qui aident Lancelot, depuis la fĂ©e du Lac jusqu’à la sĹ“ur mĂŞme de MĂ©lĂ©agant.
• L’auteur insiste sur la sagesse « fort avisĂ©e Â» de la jeune fille (avec l’adverbe intensif).
⇨ Cette jeune fille est intelligente et sage, nous allons suivre avec plaisir le déroulement de ses pensées.

Accès aux pensées du personnage


• ChrĂ©tien de Troyes nous donne accès aux pensĂ©es de la jeune fille « qui rĂ©flĂ©chit Â» c’est une focalisation interne.
• Le dĂ©but du monologue intĂ©rieur « se dit Â» est marquĂ© par la voix pronominale et le CC de lieu « en elle-mĂŞme Â».
• Nous assistons en temps rĂ©el aux suppositions de la jeune fille « certainement Â» l’adverbe modalise ces rĂ©flexions.
• Les pensĂ©es suivent un cheminement rigoureux : « Aussi Â» est un lien logique de consĂ©quence.
• Les verbe « rĂ©flĂ©chir Â» et « se dire Â» entrent en Ă©cho avec « pense-t-elle Â» tout ce monologue intĂ©rieur est mis en scène.
⇨ Grâce à cette perspicacité, la jeune fille va découvrir ce que personne ne semble avoir deviné dans l’assistance.

Le secret des motivations de Lancelot


• La dĂ©cision du chevalier est volontaire « le chevalier ne s’était lanc酠» la voix pronominale rĂ©vèle un choix dĂ©libĂ©rĂ©.
• La jeune fille Ă©limine d’abord deux hypothèses : « ni pour elle, ni pour la foule modeste Â» nĂ©gation coordonne deux CC de but.
• Cela pourrait ĂŞtre pour la gloire, mais la « foule Â» est « modeste Â» : l’adjectif relativise la portĂ©e de l’exploit.
• La vĂ©ritable motivation du chevalier est valorisĂ©e par une double nĂ©gation « jamais il ne l’aurait entreprise si ce n’était pour la reine Â» c’est ce qu’on appelle une litote.
⇨ La jeune fille a compris que Lancelot agit par amour.

L’amour pour la reine est moteur


• C’est en effet l’amour de Lancelot pour la reine Guenièvre qui apparaĂ®t dans le CC de but « pour la reine Â».
• La jeune fille souhaite utiliser cet amour pour aider Lancelot : « s’il la savait prĂ©sente Â» cette hypothèse vise bien la victoire.
• Comptant sur l’effet de l’amour, elle anticipe le rĂ©sultat « il en retirerait force et audace Â» (au conditionnel).
• Deux grandes valeurs interviennent ici « force et audace Â» (« force et hardement Â» en Ancien Français).
• La jeune fille espère que la reine connait le nom de ce chevalier inconnu « si elle-mĂŞme avait connu Â» au passĂ© antĂ©rieur.
• Elle suppose mĂŞme que la reine serait tout Ă  fait de son avis, avec l’adverbe « volontiers Â».
⇨ On devine que la jeune fille se pose la question : peut-ĂŞtre mĂŞme que cet amour est rĂ©ciproque si la reine le connaĂ®t…

La reine est en position de pouvoir


• Le lieu oĂą se trouve la jeune fille est justement lĂ  oĂą apparaĂ®tra la reine : « Ă  la fenĂŞtre Â». Ce CC de lieu commence Ă  organiser un vĂ©ritable jeu de regards.
• La « fenĂŞtre Â» maintenant au singulier est un vĂ©ritable symbole : intermĂ©diaire entre l’intĂ©rieur (Guenièvre captive) et l’extĂ©rieur (lieu du combat oĂą tout se joue).
• On nous donne dĂ©jĂ  ) voir, Ă  l’avance, la reine prĂŞte Ă  assister Ă  ce combat : « attentive Ă  le regarder Â» (CC de manière).
• Nous avons d’ailleurs aussi implicitement la rĂ©action de Lancelot qui devrait « regarder un peu autour de lui Â».
⇨ Chrétien de Troyes ménage ses effets de surprise et alimente le suspense en rapportant le dialogue avec la reine.

Deuxième mouvement :
Les enjeux de l’intervention de la reine



Elle vint alors trouver la reine et lui dit :
— Dame, par Dieu, pour votre bien et pour le nĂ´tre aussi, donnez-moi, je vous prie, le nom de ce chevalier, afin de lui venir en aide : dites-le moi si vous le connaissez.
— Dans votre demande, demoiselle, je n'entends ni haine ni malveillance, tout au contraire : Lancelot du Lac, c'est le nom de ce chevalier, autant que je sache.
— Mon Dieu ! Comme j'en ai le cĹ“ur plein de soulagement et de joie ! dit la jeune fille. Elle s'avance alors et l'interpelle si fort que toute la foule entend sa voix rĂ©sonner très haut :
— Lancelot ! Retourne-toi et regarde celle qui a les yeux fixĂ©s sur toi !


La jeune fille est une intermédiaire


• La jeune fille met maintenant son plan Ă  exĂ©cution, c’est une nouvelle Ă©tape, avec le verbe de mouvement associĂ© au lien logique « Elle vint alors Â».
• Mais « la reine Â» reste le personnage principal. En position de complĂ©ment d’objet, c’est elle qui va prendre le relais.
• La suivante prend bien le rĂ´le d’intermĂ©diaire « et lui dit : ... Â» Souvent chez ChrĂ©tien de Troyes, le discours direct transmet une vĂ©ritĂ©, il fait avancer les choses.
• La jeune fille s’adresse Ă  la reine avec beaucoup de respect : « Dame [...] pour votre bien Â» (apostrophe et vouvoiement).
⇨ La jeune fille est manifestement une proche de la reine : on peut supposer que c’est une suivante.

La suivante met en valeur les enjeux


• Elle insiste sur l’importance et l’urgence de sa dĂ©marche « par Dieu Â» l’invocation Ă  Dieu (CC de manière) fait ressortir un l’enjeu opposant en quelque sorte le bien contre le mal.
• Il s’agit bien d’une opposition manichĂ©enne « pour votre bien et pour le notre aussi Â» le CC de but insiste sur le mot « bien Â».
• Tous les habitants de Logre sont concernĂ©s quand elle dit « le nĂ´tre aussi Â» cette première personne du pluriel dĂ©signe tous les prisonniers dont la reine et la suivante font partie.
• Le ton d’urgence est toujours attĂ©nuĂ© : « donnez-moi, je vous prie Â» l'impĂ©ratif est nuancĂ© par la prière qui suit.
• Elle met en valeur son propre rĂ´le d’adjuvant : « afin de lui venir en aide Â» lien de consĂ©quence qui construit un CC de but.
⇨ La jeune suivante prédispose la reine favorablement pour la demande qui va suivre, et qui est manifestement délicate.

Le nom du chevalier est chargé d’un enjeu caché


• En effet, depuis le dĂ©but « le nom de ce chevalier Â» nous est cachĂ©, cette lacune explique ici le dĂ©monstratif.
• La suivante demande le nom du chevalier « dites-le moi Â» (impĂ©ratif pour lui rendre service) car il serait mal vu que la reine crie elle-mĂŞme le nom du chevalier.
• La suivante fait mine de n’avoir pas devinĂ© leur amour : « si vous le connaissez Â» (circonstancielle de condition).
• La reine a compris la dĂ©licatesse de la suivante : « je n’entends haine ni malveillance Â» (« haĂŻne ne felenie Â» en Ancien Français) la nĂ©gation et l’opposition « tout au contraire Â» sont significatifs.
• La reine cache ses sentiments qui doivent rester secret, en feignant l’incertitude : « autant que je sache Â».
⇨ En fait, la reine a parfaitement reconnu Lancelot, et on devine qu’elle en est amoureuse et que son intervention est décisive.

Les mots de la reine constituent une révélation de taille


• Tirade adressĂ©e Ă  la suivante « demoiselle Â»â€¦ La reine n’adressera pas un mot Ă  Lancelot avant qu’il ne s’ excuse d’avoir hĂ©sitĂ© Ă  monter sur la charrette !
• Par ce surnom « Lancelot du Lac Â», la reine Ă©voque ses origines merveilleuses (Ă©levĂ©e par une fĂ©e appelĂ©e la « Dame du lac Â»).
• Ce moment de rĂ©vĂ©lation est mis en valeur : « c’est le nom de ce chevalier Â» avec la structure prĂ©sentative (Ă©galement mis en avant par la syntaxe en Ancien Français).
• La suivante rĂ©agit vivement : « Mon Dieu ! Â» l’interjection indique bien qu’elle connaĂ®t la rĂ©putation de Lancelot.
• C’est une bonne nouvelle car Lancelot est connu pour sa vaillance : « j’en ai le cĹ“ur plein de soulagement et de joie ! Â» L’exclamation accompagne des Ă©motions positives.
⇨ Le lecteur, mis dans la confidence, constate la réputation du héros. La suivante peut alors rendre cette nouvelle publique…

L’importance d’une intervention publique


• La suivante n’agit que sur ordre de la reine : « elle s’avance alors Â» comme le souligne le lien logique de consĂ©quence.
• C’est bien la suivante qui intervient : « sa voix Â» le possessif rappelle que de son cĂ´tĂ© la reine reste en retrait, silencieuse.
• Le narrateur insiste sur la portĂ©e publique du message : « elle l’interpelle si fort… Â». L’intensif joue sur la dimension sonore.
• Cela sera vite connu de tous dans le royaume : « si fort que tout le monde l’entend Â» : la subordonnĂ©e de consĂ©quence implique que la rĂ©putation de Lancelot est mise en jeu.
• La suivante crie le prĂ©nom du chevalier, mais sans prĂ©ciser son origine « du Lac Â» qui reste Ă  notre discrĂ©tion.
⇨ Lancelot voit sa réputation en jeu, et pourtant, on comprend que c’est surtout le regard de la reine qui compte.

L’importance encore plus grande du regard de la reine


• La suivante transmet un ordre au chevalier : « retourne toi Â» en le tutoyant Ă  l’impĂ©ratif. Il doit se mettre au service de la reine.
• Elle amène le chevalier Ă  croiser les yeux de celle qu’il aime et qui a tout pouvoir sur lui : « Regarde celle qui a les yeux fixĂ©s sur toi ! Â» vĂ©ritable jeu de regard rĂ©ciproque.
• Les Ă©motions sont puissantes : « Lancelot ! … sur toi ! Â» les exclamations encadrent l’intervention de la jeune fille.
• La personne de la reine n’est pas nommĂ©e directement : « celle qui a les yeux Â» le pronom dĂ©monstratif renforce la rĂ©vĂ©lation.
• Lancelot est au centre de l’attention, du public, mais aussi et surtout de la reine Guenièvre : « les yeux sur toi Â» la prĂ©position construit un CC de lieu.
⇨ Ce dialogue permet de mettre en scène un moment clé…

Troisième mouvement :
Une révélation qui n’a pas l’effet attendu…



Lorsqu'il entendit son nom, Lancelot n'attendit pas pour se retourner : il fait volte-face et dĂ©couvre lĂ -haut, assise aux galeries de la tour, celle qu'au monde il dĂ©sirait contempler le plus. Dès l'instant oĂą il l'aperçut, il se figea et ne dĂ©tourna plus d'elle ses yeux ni son visage : il prĂ©fĂ©rait plutĂ´t se dĂ©fendre par derrière. MĂ©lĂ©agant cependant le pourchassait autant qu'il pouvait, tout heureux Ă  la pensĂ©e que son adversaire ne pourrait plus lui rĂ©sister.

Mise en scène comme un coup de théâtre


• Moment clĂ© marquĂ© : « Lorsqu’il entendit … « Dès l’instant Â» liens chronologiques qui indiquent bien une rupture.
• Le texte revient sur ce moment « son nom Â» : le possessif vient produire tout son effet sur le chevalier apostrophĂ©.
• La rĂ©action est instantanĂ©e : « Lancelot n’attendit pas Â» c’est une Litote car la nĂ©gation vient annuler le sens nĂ©gatif du verbe pour mettre en valeur l’idĂ©e qu’il rĂ©agit immĂ©diatement.
• Dans un premier temps, Lancelot interrompt son combat naturellement, « pour se retourner Â». La voix pronominale et le prĂ©fixe re- soulignent le mouvement du chevalier.
• Le narrateur redouble mĂŞme cette action : « il fait volte-face Â» c’est un plĂ©onasme. Alors que tout le texte est au passĂ©, cette action seule est au prĂ©sent de l’indicatif !
⇨ Nous avons bien un Ă©vĂ©nement inĂ©dit : la prĂ©sence de la reine qui est aussi celle que Lancelot aime.

Le moment déclencheur est la vue de la reine


• Symboliquement, la reine est en position surplombante : « la-haut Â» CC de lieu.
• L’attitude aussi est importante, elle est « assise aux galeries de la tour Â» tandis que lui est debout. La « tour Â» domine la scène.
• Du point de vue de Lancelot : « Celle qu’au monde il dĂ©sirait le plus Â». Le pronom dĂ©monstratif construit la pĂ©riphrase.
• Le superlatif « il dĂ©sirait le plus Â» participe Ă  une hyperbole.
• Le jeu de regards commence vraiment avec « il l’aperçut Â». Le verbe de perception au passĂ© les met en relation.
⇨ Guenièvre a en effet un pouvoir particulier sur Lancelot, mais sa réaction ne sera pas celle que la suivante espérait…

Lancelot cesse au contraire de se battre !


• Le texte insiste sur l’immobilitĂ© du personnage : « il se figea Â» avec la voix pronominale, et la nĂ©gation partielle : « il ne dĂ©tourna plus son regard Â».
• Le jeu de regards est devient absorbant : « ses yeux ni son visage Â» le possessif est rĂ©pĂ©tĂ©, prend de l’ampleur par mĂ©tonymie (yeux, visage, corps, âme : tout est tournĂ© vers elle).
• Lancelot n’attaque plus : « il prĂ©fĂ©rait se dĂ©fendre Â» le verbe pronominal Ă©vacue son adversaire de ses prĂ©occupations.
• C’est exactement l’inverse de nos attentes : « plutĂ´t Â» l’adverbe exprime l’opposition.
• Cette manière de mener le combat est particulièrement malaisĂ©e : « par derrière Â» le CC de manière reprĂ©sente Lancelot tournant le dos Ă  son adversaire.
⇨ C’est donc finalement l’ennemi de Lancelot qui risque de tirer partie de cette situation.

Une aubaine pour l’opposant


• La narrateur change de point de vue : « MĂ©lĂ©agant cependant Â» double sens de consĂ©quence et d’opposition.
• Il profite beaucoup « tant qu’il pouvait Â» de cette situation : circonstancielle qui exprime un superlatif.
• La focalisation a changĂ© : « tout heureux Â» avec adverbe intensif. On partage la subjectivitĂ© de MĂ©lĂ©agant : « Ă  la pensĂ©e que Â» focalisation zĂ©ro oĂą le narrateur est omniscient.
• Et en effet, du point de vue de MĂ©lĂ©agant, c’est Lancelot qui est l’opposant : « son adversaire Â» avec le possessif.
• Lancelot est devenu vulnĂ©rable : « il ne pourrait plus lui rĂ©sister Â» gradation vers plus de faiblesse.
• Le mĂŞme schĂ©ma reviendra plusieurs fois : Lancelot laisse MĂ©lĂ©agant le frapper pour rester attentif aux ordres de la reine : ce n’est pas de la lâchetĂ© mais un effet de son dĂ©vouement.
⇨ Juste après ce passage, la suivante va lui enjoindre de se battre : Lancelot mettra tant MĂ©lĂ©agant en difficultĂ© que son père le roi Baudemagu devra intervenir pour reporter le combat.

Conclusion



Bilan


Dans notre passage, une jeune fille très perspicace comprend parfaitement la situation : elle devine l’amour de Lancelot et Guenièvre, suppose mĂŞme qu’il est rĂ©ciproque, et que cela aidera le chevalier Ă  vaincre son ennemi. Alors, elle s’adresse Ă  la reine : en respectant son secret, elle se fait l’intermĂ©diaire, pour apostropher le chevalier publiquement. Mais au lieu de redoubler de bravoure Lancelot se fige, fascinĂ© par la prĂ©sence de la reine. On comprend que ce n’est pas par lâchetĂ© au contraire, il suffira d’un mot pour qu’il reprenne le combat de plus belle.

Ouverture


D’autres Ĺ“uvres littĂ©raires mettent ainsi en scène la dualitĂ© de l’amour ; dans le roman Manon Lescaut, le chevalier Des Grieux en est un exemple saisissant :
Je vais perdre [...] ma rĂ©putation pour toi, je le prĂ©vois bien ; [...] mais de quelles pertes ne serai-je pas consolĂ© par ton amour !



Deux chevaliers joutant vers 1499.

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