Dorion, Mes ForĂŞts
Dissertation corrigée
👀 Je te propose de découvrir tout de suite avec moi un sujet de dissertation corrigé en trois parties et trois sous-parties (tu n’es pas obligé d’en faire autant le jour du bac, tant que tu présentes 6 sous-parties en tout).
🙌 Notre sujet sera parfaitement inscrit dans le parcours étudié tout au long de l’année : « La poésie, la nature, l’intime ».
Introduction
Accroche
Hélène Dorion est avant tout poétesse… Mais à ses yeux, la poésie participe, avec d’autres formes d’art, à une grande réflexion philosophique.
Ainsi, elle associe par exemple ses œuvres à des playlists musicales et réalise même des concerts littéraires, où la poésie est récitée, accompagnée par un orchestre.
Certains de ses recueils sont illustrés par des artistes, comme Julius Baltazar ou Jean-Luc Herman. Pour Hélène Dorion, la création est un geste que l’on commence seul, mais que l’on termine en compagnie des autres.
De l’œuvre au sujet
Or c’est exactement ce parcours qu’on retrouve dans notre recueil Mes Forêts. Hélène Dorion aime observer la nature. Québécoise, elle a longtemps vécu dans les Laurentides à proximité des bois.
Pendant la période de confinement lors de la crise sanitaire de la Covid19, Hélène Dorion a écrit ce recueil, dans la solitude, pour exprimer ses émotions et ses convictions intimes, mais le recueil lutte justement contre cette solitude.
Problématique
Dès lors, on peut se demander si l’expression poétique très personnelle d’Hélène Dorion ne cherche pas aussi à impliquer ses lecteurs, collectivement, dans une réflexion sur la nature…
Cette poésie très personnelle ne va-t-elle pas au-delà d’un simple regard subjectif sur la nature, pour nous interpeller, voire, nous inciter à participer ?
Dans quelle mesure l’expression lyrique d’Hélène Dorion, à travers ses émotions intimes, nous invite-t-elle à élaborer un avenir commun ?
Annonce du plan
D’abord, on découvre dans Mes forêts une poésie lyrique, c’est-à -dire, une poésie où la poétesse exprime ses émotions personnelles, d’une manière musicale. Elle évoque donc des forêts réelles, qui sont aussi des forêts intérieures, un cheminement qui traduit une réflexion personnelle et une affirmation de soi.
Mais à travers cette poésie, Hélène Dorion montre également comment les forêts racontent une histoire collective. Les paysages témoignent d’une évolution de l’humanité. La Nature est au cœur des bouleversements de notre monde contemporain, la poésie nous aide non seulement à le comprendre, mais aussi à le ressentir.
Ainsi, on peut se demander si, finalement, Hélène Dorion n’exprime pas surtout sa foi dans la poésie. Les mots écrits, murmurés, récités, parce qu’ils nous touchent, parce qu’ils nous impliquent, parce qu’ils nous obligent à ralentir notre rythme… Évoquent une harmonie désirable, des aspirations collectives profondes, qui nous amènent à envisager des avenirs différents.
Première partie :
Une vision personnelle de la nature
Le titre même du recueil Mes Forêts, insiste sur la première personne : la poétesse s’est pour ainsi dire approprié ces paysages, cette nature qu’elle décrit.
1) Une expérience sensuelle et musicale
Tout d’abord, la poétesse représente son propre cheminement à travers les bois, son attention aux détails. Elle rend compte d’une expérience personnelle, sensuelle et musicale.
Par exemple lorsqu’elle écoute le froissement des feuilles, les grincements de l’écorce, l’entrechoc des galets… Tous ces moments permettent de révéler ce qui se passe en soi :
comme un petit bruit
au fond de l’âme
ce que l’on tait
les pierres le portent
Ici, la forêt n'est pas seulement un décor, mais une caisse de résonance des émotions les plus secrètes, celles que l'on ne confie même pas aux mots.
2) Une affirmation de soi
Ainsi, parler des forêts, c’est avant tout parler de soi, mais c’est peut-être justement, en parler d’une manière inédite, indirecte, avec humilité mais aussi avec confiance.
En empruntant aux paysages-état d’âme des Méditations poétiques de Lamartine et aux paysages prophétiques des Contemplations de Hugo, Hélène Dorion va plus loin dans le sens où elle fait de la nature une véritable destination où l’on se trouve soi-même.
Mes forĂŞts sont des rivages
accordés à mes pas la demeure
oĂą respire ma vie
La forêt devient ainsi une grande métaphore de soi, un rivage et une demeure, c’est-à -dire une destination où le parcours personnel de la poétesse trouve enfin tout son sens.
3) Un espace de réflexion personnelle
Enfin, le travail d’écriture de la poétesse, l’effort même qu’elle déploie pour rendre compte de ses émotions au contact de la nature, cela la transforme, cela lui apprend ce qu’elle ignore sur elle-même.
Souvent, les vers d’Hélène Dorion expriment une véritable évolution personnelle, une découverte authentique.
Les forĂŞts
apprennent Ă vivre
avec soi-mĂŞme.
Ici, la nature n'est plus seulement un spectacle, mais une école de sagesse, où l'on apprend à se connaître et à s'accepter.
Transition
Mais si la nature est d'abord une expérience intime, c’est une expérience que chacun d’entre nous peut reconnaître en soi, elle touche à l’universel. Les forêts d’Hélène Dorion nous parlent, mais cela va plus loin encore : nous y reconnaissons l’Histoire de l’humanité qui nous a menés au monde actuel, aux défis de notre époque.
Deuxième partie :
Une nature révélant un destin collectif
La démarche même d’Hélène Dorion est un geste adressé à l’autre, à ses lecteurs. Bien sûr, elle exprime une vision intime, et elle assume cette subjectivité, mais cela donne à sa poésie l’allure d’une confidence. Ses inquiétudes entrent en écho avec nos propres préoccupations.
1) Des forêts qui créent des liens humains
Tout d’abord, cette poésie nous fait sortir de notre isolement, parce qu’elle nous interpelle et nous alerte. Souvent Hélène Dorion passe de la première personne du singulier « je » au pluriel « nous », parfois l’indéfini « on ».
Souvent, les vers d’Hélène Dorion donnent directement la parole aux forêts, comme si elles essayaient de nous adresser un message :
les forĂŞts grincent
et ce gémissement
secoue nos solitudes
La solitude est bien présente, mais elle est secouée, remise en cause. Les forêts ne laissent pas cette solitude intacte, au contraire, elles nous invitent à tisser des liens entre nous et les autres, entre nous et notre passé.
2) Des forêts qui reflètent notre Histoire
Car les forêts d’Hélène Dorion sont pour ainsi dire, les gardiennes de notre mémoire collective. La poétesse évoque la dendrochronologie : les cernes que l’on observe sur les souches retracent les années et les siècles écoulés.
D’une manière plus générale, Hélène Dorion nous invite à adopter avec elle un regard d’archéologue sur les paysages, qui portent les traces de notre Histoire humaine :
La terre a commencé à recueillir nos histoires
dans les arbres et sous la couche d’humus
Ainsi, la dégradation du climat, de la qualité de l’air et de l’atmosphère, les dégâts de l’ère industrielle, la destruction des écosystèmes, tout cela transparaît dès que l’on s’attache à décrire les paysages qui nous entourent.
3) Des forêts qui révèlent nos défis
Une poésie qui décrit la nature qui nous entoure, aujourd’hui, est donc enfin une poésie qui révèle les défis de notre époque.
L’émerveillement devant les beautés de la Nature s’accompagne d’une autre émotion, le constat d’une tragédie écologique et humaine.
il fait un temps de verre éclaté
d’écrans morts de nord perdu
un temps de pourquoi de comment
tout un siècle à défaire le paysage
Les deux questions : pourquoi, et comment, traduisent bien l’enjeu collectif. Que s’est-il passé pour que nous en arrivions à ce stade, et comment faire pour y remédier.
Transition
Ainsi, le regard personnel, si individuel de la poétesse sur ce qu’elle appelle « Mes Forêts » n’est qu’un point de départ. Pour Hélène Dorion, une poésie lyrique, qui partage des convictions intimes, c’est une poésie puissante, qui peut changer le monde.
Troisième partie :
Une poésie porteuse d’avenir
Face aux défis que la nature nous révèle, la poésie n'est pas impuissante. Pour Hélène Dorion, elle met en mouvement une énergie collective, et elle devient ainsi une force de résistance et de transformation.
1) Une poésie qui répare les blessures
Tout d’abord, Hélène Dorion s’attache à écrire une poésie capable de nous bousculer, de révéler nos contradictions et nos blessures, pour nous aider à y faire face.
Ainsi, les forêts de Dorion se présentent souvent comme une métaphore de la poésie, dont une caractéristique très importante, c’est la force naturelle et résiliente.
il n’y a que ce qui casse
et repousse autour de nous
syllabes informes
qu’assemble la lumière
Souvent, ces images de syllabes lumineuses permettent à Hélène Dorion de décrire la poésie elle-même : un rayon qui perce à travers les branches, une clairière au bout d’un sentier… Racines et branches, les lignes d’écriture tracent des chemins.
2) Une poésie qui ouvre des chemins
En effet, tout au long de son recueil, Dorion file cette métaphore : la poésie n’apporte pas de réponse toute faite, mais elle ouvre des pistes, elle constitue un chemin vers l’avenir.
un poème murmure
un chemin vaste et lumineux
qui donne sens
à ce qu'on appelle humanité
La poésie n’est pas un éclat de voix, mais un murmure. Dans sa conception, les poètes ne sont pas des prophètes ou des voleurs de feu, mais peut-être simplement des éclaireurs, l’image des lucioles revient d’ailleurs plusieurs fois dans le recueil.
3) Une poésie qui agit sur le monde
Ainsi, la poésie c’est pas une fin en soi, elle plutôt une étincelle qui éveille notre désir d’harmonie, nous pousse à agir, à produire quelque chose de nouveau.
On retrouve cette image dans le recueil, notamment à travers l’évolution du bourgeon qui devient une fleur, puis un fruit :
toute feuille est désir
de fleur et de fruit
avec lui le monde surgit
Dans ces quelques vers, le fruit est un monde, et le monde est un fruit : fragile, menacé, mais capable de croître et de mûrir.
Conclusion
Bilan
Ainsi, Hélène Dorion emprunte à la poésie lyrique ses ressorts les plus puissants : l’expression d’une émotion profondément personnelle, musicale, esthétique. Mais ce geste n’a rien de solitaire, au contraire, il tisse des liens avec les autres, avec le passé, et avec l’avenir. Alors, Mes Forêts d’Hélène Dorion parlent de la nature, tout en parlant en même temps de la poésie. Par ces métaphores parfois énigmatiques, souvent inquiétantes, toujours d’une grande sensibilité, la poétesse nous alerte, et nous transmet en même temps une étincelle d’optimisme.
Ouverture
D’autres auteurs et artistes, par leur travail poétique, portent également un message écologique, où le contact avec la nature nous bouscule et nous invite à tout réinventer.
On peut penser au magnifique recueil de François Cheng, Double Chant, paru en 2002 :
Dans l’allée qui mène à la lisière
Nous nous arrêtons   saisis de peur
Par-delà la lisière ce soir
    l’avènement du Pur Espace
François Cheng, Double Chant, 2002.
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