Couverture pour Le Menteur

Corneille, Le Menteur, 1644.
Abrégé et commenté



Voici la piĂšce de Musset abrĂ©gĂ©e, rĂ©sumĂ©e de façon dĂ©taillĂ©e, acte par acte, et scĂšne par scĂšne. Vous pouvez la retrouver au format PDF et en podcast dans l’onglet Documents. Je travaille Ă  la rĂ©alisation d’une vidĂ©o RĂ©sumĂ©-analyse avec les cartes Ă  thĂšme.

Voici la piĂšce de Corneille abrĂ©gĂ©e, rĂ©sumĂ©e de façon dĂ©taillĂ©e, acte par acte, et scĂšne par scĂšne. Vous pouvez la retrouver au format PDF et en podcast dans l’onglet Documents. Je travaille Ă  la rĂ©alisation d’une vidĂ©o RĂ©sumĂ©-analyse avec les cartes Ă  thĂšme.

Acte I


ScĂšne 1



Au dĂ©but de cette premiĂšre scĂšne, Dorante vient d'arrĂȘter ses Ă©tudes Ă  Poitiers pour venir Ă  Paris. Il se promĂšne avec son valet Cliton aux Tuileries.

DORANTE.
À la fin j'ai quittĂ© la robe pour l'Ă©pĂ©e
L'attente oĂč j'ai vĂ©cu n'a point Ă©tĂ© trompĂ©e
Mon pĂšre a consenti que je suive mon choix
Et j'ai fait banqueroute Ă  ce fatras de Lois.


Il demande alors à son valet Cliton ce qu’il pense de Paris
 C’est un monde d’apparences


CLITON
Paris est un grand lieu plein de marchands mĂȘlĂ©s,
L’effet n’y rĂ©pond pas toujours Ă  l’apparence.
Comme on s’y connaüt mal, chacun s’y fait de mise
Et vaut communément autant comme il se prise.


C’est-Ă -dire qu’il suffit de se mettre en valeur soi-mĂȘme, et qu’avec une bonne apparence, on arrive Ă  tout, et notamment Ă  se faire apprĂ©cier des dames...

ScĂšne 2



Entre alors sur scĂšne deux jeunes femmes, LucrĂšce et Clarice, qui fait un faux pas... Les didascalies laissent mĂȘme entendre qu'elle le fait exprĂšs.

CLARICE, (...) comme se laissant choir.
Ay. (...)

DORANTE, lui prenant la main.
C'est pour moi, Madame, un bonheur souverain
Que cette occasion de vous donner la main.


S'ensuit alors un badinage amoureux trĂšs subtil oĂč Dorante avoue qu'il aurait voulu qu'elle fit exprĂšs de lui donner la main, et il lui dĂ©clare sa flamme !

DORANTE
Un Amant a fort peu de quoi se satisfaire
Des faveurs qu'on lui fait sans dessein de les faire ;
Jugez par lĂ  quel bien peut recevoir ma flamme
D'une main qu'on me donne, en me refusant l'Ăąme.

CLARICE.
Cette flamme, Monsieur, est pour moi fort nouvelle,
Puisque j'en viens de voir la premiĂšre Ă©tincelle.
Mais peut-ĂȘtre, Ă  prĂ©sent que j'en suis avertie,
Le temps donnera place Ă  plus de sympathie.


Ce dialogue, par sa finesse, soulevant des réflexions sur le sentiment amoureux, fait référence aux débats que l'on entend à cette époque dans les salons littéraires et qui alimentent notamment le courant de la préciosité.

ScĂšne 3



Dorante fait alors son premier mensonge de la piĂšce. Il affirme qu'il a fait la guerre en Allemagne. Car en effet Ă  l'Ă©poque oĂč Corneille Ă©crit cette piĂšce, la guerre de Trente ans n'est pas encore finie.

CLARICE.
Quoi, vous avez donc vu l'Allemagne, et la guerre ?

DORANTE
Je m'y suis fait quatre ans craindre comme un tonnerre.


Le spectateur de l'époque connaßt les piÚces les plus célÚbres de Corneille. Cet héroïsme peut faire penser au Cid. La vantardise fait plutÎt penser à Matamore, guerrier fanfaron dans L'Illusion Comique.

Dorante affirme qu’il est à Paris depuis un an, juste pour la voir. Cliton ne comprend rien...

CLITON, le tirant par la basque,
Savez-vous bien, Monsieur, que vous extravaguez ?

DORANTE, Ă  Cliton.
Te tairas-tu, maraud ?

À Clarice
Nos armes n'ont jamais remporté de victoire
OĂč cette main n'ait eu bonne part Ă  la gloire (...)
Et je suivrais encore un si noble exercice,
N'Ă©tait que l'autre hiver faisant ici ma Cour
Je vous vis, et je fus retenu par l'amour.


Mais Clarice doit partir car elle est attendue par un certain Alcippe.

ScĂšne 4



Dorante demande Ă  Cliton de se renseigner, il veut connaĂźtre le nom cette femme qui a su lui plaire.

CLITON.
J'en sais tout ce qu'on peut savoir.
La langue du Cocher a fait tout son devoir.
La plus belle des deux, dit-il, est ma MaĂźtresse,
Elle loge Ă  la Place, et son nom est LucrĂšce.


Dorante est alors persuadé qu'il a parlé avec LucrÚce, c'est le quiproquo fondateur de la piÚce. Dorante va confondre Clarice et LucrÚce jusqu'au bout.

DORANTE.
Celle qui m'a parlé, celle qui m'a su prendre,
C'est LucrĂšce, ce l'est sans aucun contredit,
Sa beautĂ© m'en assure, et mon cƓur me le dit.

CLITON
Quoique mon sentiment doive respect au vĂŽtre,
La plus belle des deux, je crois que ce soit l'autre.


Cliton fait alors une longue tirade pour défendre son point de vue : la plus belle était la silencieuse
 Ce qui est d'autant plus drÎle que le spectateur devine que cela va produire des confusions en cascade.

ScĂšne 5



Entrent sur scĂšne deux amis de Dorante : Alcippe et Philiste. Ils parlent d'un dĂźner splendide qui a Ă©tĂ© donnĂ© sur l'eau. AussitĂŽt Dorante prĂ©tend que c'est lui qui a donnĂ© ce dĂźner, pour une belle dame. Il invente alors une fĂȘte extraordinaire, donnĂ©e sur cinq bateaux :

DORANTE.
Le cinquiÚme était grand, tapissé tout exprÚs
De rameaux enlacés pour conserver le frais
Je fis de ce bateau la Salle du festin ;
LĂ  je menai l'objet qui fait seul mon destin.


Ce qu'il ne sait pas, c'est qu'Alcippe est justement engagĂ© avec la dame pour qui cette fĂȘte a Ă©tĂ© donnĂ©e, il se demandait justement qui pouvait bien ĂȘtre son rival... En lui parlant Ă  l'oreille, Philiste le fait bien comprendre aux spectateurs.

PHILISTE, Ă  Alcippe, tout bas.
Voyez qu'heureusement dedans cette rencontre
Votre rival lui-mĂȘme Ă  vous-mĂȘme se montre.


ScĂšne 6



Se retrouvant seul avec Cliton, son valet lui reproche ses mensonges incessants.

CLITON.
Pourquoi depuis un an vous feindre de retour ?

DORANTE.
J'en montre plus de flamme, et j'en fais mieux ma Cour.


Dorante explique alors longuement ce qui le fait mentir. Un juriste qui connaßt les paragraphes de son code n'a rien de séduisant !

DORANTE.
On s'introduit bien mieux Ă  titre de vaillant. (...)
Et tel à la faveur d'un semblable débit
Passe pour homme illustre, et se met en crédit.
Et loin d’en redouter un malheureux succùs [...]
J’aurai dĂ©jĂ  gagnĂ© chez elle quelque accĂšs.


Le plus important pour lui est donc surtout d'ĂȘtre bien en vue, et de s'ouvrir des accĂšs vers la meilleure sociĂ©tĂ©. Mais Cliton s'inquiĂšte : S'il rencontre un fĂącheux, ou un autre menteur ?

Dorante dit qu'il sera toujours capable d'inventer un mensonge plus grand et on devine qu'il éprouve un certain plaisir à exercer son talent de menteur. Cela prépare bien la suite de la piÚce.

DORANTE.
J’aime à braver ainsi les conteurs de Nouvelles,
[Que] je sers aussitît d’un conte imaginaire
Qui l’étonne lui-mĂȘme et le force Ă  se taire.
Si tu pouvais savoir quel plaisir on a lors
De leur faire rentrer leurs Nouvelles au corps...

CLITON
Je le juge assez grand, mais enfin ces pratiques
Vous peuvent engager en de fĂącheux intriques.

DORANTE
Nous nous en tirerons.


Acte II


ScĂšne 1



Nous retrouvons Clarice, parlant avec GĂ©ronte, le pĂšre de Dorante. Il aimerait beaucoup qu'elle accepte d'Ă©pouser son fils unique. Elle n'est pas contre, mais elle demande Ă  le voir d'abord.

GÉRONTE
Je le tiendrai longtemps dessous votre fenĂȘtre,
Afin qu'avec loisir vous puissiez le connaĂźtre,
Examiner sa taille, et sa mine, et son air,
Et voir quel est l'Ă©poux que je veux vous donner.
Quelqu'Ă©colier qu'il soit, je dirais qu'aujourd'hui
Peu de nos gens de Cour sont mieux taillés que lui.


ScĂšne 2



Isabelle, la suivante de Clarice, lui conseille d'accepter, pour voir enfin ce Dorante, le fils unique de GĂ©ronte. Clarice est d'accord, mais elle aimerait surtout lui parler, pour juger de son esprit, avant d'envisager le mariage.

CLARICE
Le dedans paraĂźt mal en ces miroirs flatteurs,
Les visages souvent sont de doux imposteurs,
Que de défauts d'esprit se couvrent de leurs grùces !
Et que de beaux semblants cachent des Ăąmes basses !


Isabelle lui demande alors pourquoi elle ne va pas lui parler directement... Ce n'est pas possible parce que Clarice est fiancée à Alcippe, qui serait jaloux. Le problÚme, c'est qu'Alcippe ne semble pas trÚs pressé de se marier...

CLARICE
Depuis plus de deux ans il promet et diffĂšre,
TantĂŽt c'est maladie, et tantĂŽt quelque affaire, (...)
Je prends tous ces délais pour une résistance,
Et ne suis pas d'humeur Ă  mourir de constance.


Isabelle imagine alors un stratagĂšme : pour qu'Alcippe ne se doute de rien, il suffit qu'elle emprunte le nom de LucrĂšce, pour lui donner rendez-vous, cette nuit, sous sa fenĂȘtre...

ISABELLE
Comme il est jeune encore, on l'y verra voler,
Et lĂ  sous un faux nom vous pourrez lui parler,
Sans qu'Alcippe jamais en découvre l'adresse.


Clarice trouve l'idĂ©e excellente, et dit mĂȘme qu'elle espĂšre que ce Dorante ait autant de charme que l'aimable inconnu qu'elle vient de rencontrer. Pour le spectateur, toutes les conditions de la comĂ©die sont rĂ©unies : les deux jeunes premiers vont se rencontrer, mais Ă  la faveur d'un stratagĂšme qui va amplifier le quiproquo...

ScĂšne 3



Arrive alors Alcippe trĂšs en colĂšre contre Clarice. Il affirme qu'elle le trompe, et fait allusion au grand dĂźner sur l'eau qu'on vient de lui raconter.

ALCIPPE
Choisis une autre fois un Amant plus discret,
Lui-mĂȘme m'a tout dit.

CLARICE
Qui, lui-mĂȘme ?

ALCIPPE
Dorante !


D'ailleurs, il a vu à l'instant sortir Géronte, le pÚre de Dorante. Clarice lui répond que Géronte est un vieil ami de son pÚre. Mais quant à elle, elle ne connaßt pas Dorante et d'ailleurs, elle n'a jamais vu son visage.

ALCIPPE
Quand les feux d'artifice Ă©clairaient le rivage,
Tu n'eus pas le loisir de le voir au visage ? (...)
T'en ai-je dit assez ? Rougis et meurs de honte.

CLARICE
Je ne rougirai point pour le récit d'un conte.


Alcippe n'est pas convaincu. Il s'en va, et fait un monologue de dépit.

ScĂšne 4



ALCIPPE
Va, ris de ma douleur alors que je te perds,
Par ces indignitĂ©s romps toi-mĂȘme mes fers, (...)
Je cours Ă  la vengeance, et porte Ă  ton Amant
Le vif et prompt effet de mon ressentiment.


On comprend qu'il est prĂȘt Ă  rompre avec Clarice, et qu'il s'apprĂȘte Ă  provoquer Dorante en duel.

ScĂšne 5



Géronte retrouve son fils Dorante, et lui annonce la décision qu'il a prise de le marier à une certaine Clarice.

GÉRONTE
Je la connais assez. Clarice est belle et sage (...)
Son pĂšre de tout temps est mon plus grand ami,
Et l'affaire est conclue.


Dorante songe alors surtout Ă  celle qu'il appelle LucrĂšce... Pour Ă©viter de se marier, il fait son troisiĂšme mensonge : il dit qu'il a Ă©tĂ© forcĂ© de se marier Ă  Poitiers : elle s'appelle Orphise, elle est de bonne famille, mais elle a peu de bien. On l’a surpris, de nuit, chez elle. Il invente un rĂ©cit Ă©pique, oĂč il est finalement pris par ses assaillants.

DORANTE
Nous nous barricadons [...]
Mais comme à ce rempart l’un et l’autre travaille,
D’une chambre voisine on perce la muraille : [...]
Ils Ă©taient les plus forts, elle me semblait belle,
Le scandale Ă©tait grand, son honneur se perdait,
À ne le faire pas, ma tĂȘte en rĂ©pondait.


GĂ©ronte Ă©coute son fils, et se laisse convaincre : l'honneur est sauf, elle est noble, il ferme les yeux sur le fait qu'elle n'a pas beaucoup de bien.

GÉRONTE
Elle est belle, elle est sage, elle sort de bon lieu,
Tu l'aimes, elle t'aime, il me suffit. Adieu.


ScĂšne 6



Dorante se retrouve seul avec Cliton, et lui révÚle qu'il vient, à l'instant, de tout inventer.

CLITON
Quoi, ce que vous disiez n'est pas vrai ?

DORANTE
Pas deux mots,
Et tu ne viens d'ouĂŻr qu'un trait de gentillesse
Pour conserver mon ñme et mon cƓur à Lucrùce.


Dorante rassure Cliton : désormais, il le mettra à chaque fois dans la confidence.

ScĂšne 7



Arrive alors Sabine, la femme de chambre de LucrĂšce. Elle lui donne un billet, qui le convie sous la fenĂȘtre de LucrĂšce. Pour Dorante, cela confirme bien le prĂ©nom de celle sur laquelle il a jetĂ© son dĂ©volu.

ScĂšne 8



AprÚs le départ de Sabine, arrive Lycas, le valet d'Alcippe : il porte un billet qui le provoque en duel. Dorante est surpris mais il sait qu'il trouvera les mots pour se tirer de cette histoire embrouillée :

DORANTE
Je pardonne Ă  qui mieux s'en pourra dĂ©mĂȘler.
Mais allons voir celui qui m'ose quereller.


Acte III


ScĂšne 1



Dorante et Alcippe étaient sur le point de se battre en duel. Philiste se félicite d'avoir réussi à les réconcilier. Mais Dorante reste perplexe, pourquoi Alcippe tenait tant à se battre ?

ALCIPPE
Eh bien, puisqu'il vous faut parler plus clairement,
Depuis plus de deux ans j'aime secrĂštement, [...]
Cependant Ă  l'objet qui me tient sous sa loi [...]
Vous avez donné bal, collation, Musique.


Dorante lui rĂ©pond alors que si c'Ă©tait le cas, il le lui dirait sans dĂ©tour, mĂȘme si cela devait le conduire Ă  un duel. Mais il le rassure, cette femme qu'il a rencontrĂ©e Ă©tait une femme mariĂ©e, et ne pouvait donc pas ĂȘtre sa fiancĂ©e.

ScĂšne 2



Philiste rassure Alcippe : c'est le Page qui a rapportĂ© l'Ă©vĂ©nement, qui s'est trompĂ©. Il a vu le carrosse de Clarice, mais ce carrosse Ă©tait prĂȘtĂ©. Mais surtout, il sait une chose : ce n'est pas Dorante qui a donnĂ© ce dĂźner.

PHILISTE
Dorante, qui tantÎt nous en a tant conté
De son festin superbe et sur l'heure apprĂȘtĂ© (...)
Il vint hier de Poitiers, et sans faire aucun bruit
Chez lui paisiblement a dormi toute nuit


Alcippe est offusqué par ce qu'il vient d'apprendre :

ALCIPPE
Tout homme de courage est homme de parole,
À des vices si bas il ne peut consentir,
Et fuit plus que la mort la honte de mentir...

PHILISTE
Dorante, à ce que je présume,
Est vaillant par Nature, et menteur par coutume.


Pour Philiste, le mensonge était de toutes les façons trop gros et trop facile à voir. Alcippe reconnaßt qu'il a été aveuglé par la jalousie.

ScĂšne 3



Clarice confie Ă  sa suivante Isabelle qu'elle a vu par la fenĂȘtre le fils de GĂ©ronte : il se trouve que c'est justement le jeune homme des Tuileries ! Mais ce qui la chagrine, c'est qu'il a menti, puisqu'il n'est qu'un Ă©colier venant de Poitiers. Isabelle veut la rassurer.

ISABELLE
Eh bien, cette pratique est-elle si nouvelle ?
Dorante est-il le seul qui de jeune Ă©colier
Pour ĂȘtre mieux reçu s'Ă©rige en Cavalier ?
Il aura cru sans doute, ou je suis fort trompée,
Que les filles de cƓur aiment les gens d’épĂ©e,
Et vous prenant pour telle, il a jugé soudain
Qu’une plume au chapeau vous plaüt mieux qu’à la main.


Mais ces mensonges ont des consĂ©quences dĂ©sagrĂ©ables ! Alcippe n’a pas cessĂ© de lui reprocher d'avoir acceptĂ© un dĂźner avec un inconnu... Isabelle trouve encore des excuses Ă  Dorante : c'Ă©tait peut-ĂȘtre justement pour mieux Ă©loigner Alcippe qu'il a inventĂ© ce mensonge
 Mais Clarice a une derniĂšre information...

CLARICE
Explique, si tu peux, encore ses impostures.
Il était marié, sans que l'on en sût rien,
Et son pĂšre a repris sa parole du mien.

ISABELLE
Ah, je dis à mon tour : « qu'il est fourbe, Madame ! »
C'est bien aimer la fourbe et l'avoir bien en main,
Que de prendre plaisir Ă  fourber sans dessein.


Les deux femmes dĂ©cident de le confondre, or justement, Dorante a reçu le billet qui l'invite sous la fenĂȘtre de LucrĂšce. Mais c'est Clarice qui va prendre sa place.

ScĂšne 4



Dorante arrive à l'heure et au lieu que marque le billet, il est accompagné de Cliton.

CLITON
Mais, Monsieur, ce serait pour me bien divertir,
Si comme vous LucrĂšce excellait Ă  mentir.


Mais Dorante fait remarquer combien l'art de mentir est difficile

DORANTE
Le Ciel fait cette grĂące Ă  fort peu de personnes.
Il y faut promptitude, esprit, mémoire, soins,
Ne se brouiller jamais, et rougir encor moins.


ScĂšne 5



Clarice se dissimule Ă  la fenĂȘtre de LucrĂšce et se fait passer pour elle.

CLARICE
Êtes-vous là, Dorante ?

DORANTE
Oui, Madame, c'est moi,
Qui veux vivre et mourir sous votre seule loi.


Cliton et Dorante ont reconnu la voix de celle qu'ils pensent ĂȘtre LucrĂšce. Cliton reconnaĂźt que c’était donc bien elle que le cocher trouvait la plus belle. Tout de suite, Clarice accuse Dorante de mentir, et d'ĂȘtre mariĂ© !

DORANTE
Moi marié ! Ce sont piÚces qu'on vous a faites.
Quiconque vous l'a dit s'est voulu divertit. [...]
Que le foudre Ă  vos yeux m'Ă©crase si je mens.


Dorante lui dit qu'il est prĂȘt Ă  demander sa main dĂšs le lendemain, pour lui ĂŽter ses doutes. Mais Clarice Ă©numĂšre tous ses mensonges. La guerre, le dĂźner, et le mariage qu'il cache.

Cliton se demande bien comment son maĂźtre va s'en sortir ! Mais Dorante reste confiant : il commence par dire simplement que chacun de ses mensonges a de bonnes raisons. Et notamment, il a menti sur ce mariage :

DORANTE
Je l'ai feint, et ma feinte à vos mépris m'expose.
Mais si de ces détours vous seule étiez la cause ?
Je fais par cet Hymen banqueroute Ă  tous autres.
J'Ă©vite tous leurs fers pour mourir dans les vĂŽtres


Clarice, toujours dans le rĂŽle de LucrĂšce, s'Ă©tonne alors : n'a-t-il pas fait la cour Ă  Clarice ce matin mĂȘme ?

CLARICE
Aujourd'hui cependant on me dit qu'en plein jour
Vous lui serriez la main, et lui parliez d'amour


Dorante se défend : on lui a menti, c'est bien à elle, LucrÚce, qu'il a parlé, aux Tuileries...

DORANTE
Je n'ai ni feux, ni vƓux que pour votre service,
Et ne puis plus avoir que mépris pour Clarice. (...)


Clarice, choquée d'un tel aplomb, lui demande de se retirer.

ScĂšne 6



Dorante, qui est resté avec Cliton, est le premier surpris : pourquoi ne l'a-t-elle pas cru alors qu'il disait la vérité ?

CLITON
Quand un menteur la dit,
En passant par sa bouche elle perd son crédit.


Acte IV


ScĂšne 1



Dorante et Cliton se trouvent devant chez Clarice. Cliton raconte une rumeur, il paraĂźt qu'Alcippe s'est battu en duel. Dorante confirme tout de suite la nouvelle :

DORANTE
À toi, de mes secrets le grand dĂ©positaire,
Je ne céderai rien, puisque je l'ai promis.


Cliton est intrigué... Que s'est-il passé ? Dorante raconte que cela fait déjà plusieurs mois qu'ils sont ennemis. Or, ils se sont croisés hier...

DORANTE
Nous vidons sur le pré l'affaire sans témoins,
Et le perçant à jour de deux coups d'estocade,
Je le mets hors d'Ă©tat d'ĂȘtre jamais malade.


ScĂšne 2



Mais voilĂ  qu'arrive Alcippe, en pleine forme, et de trĂšs bonne humeur.

ALCIPPE
Je te veux, cher ami, faire part de ma joie, (...)
Sache donc que je touche à l'heureuse journée
qui doit avec Clarice unir ma Destinée.


AprÚs avoir ainsi annoncé son mariage imminent, il laisse Dorante et Cliton.

ScĂšne 3



Cliton est offusqué de comprendre que son maßtre lui a menti sans hésitation, et sans raison.

CLITON
Quoi, Monsieur (...)
À moi de votre cƓur l'unique secrĂ©taire !
À moi de vos secrets le grand dĂ©positaire


Mais Dorante maintient son histoire : Alcippe s'est rétabli rapidement, voilà tout.

DORANTE
Ne t'a-t-on point parlé d'une source de vie
Que nomment nos guerriers poudre de Sympathie ? (...)
qui rappelle si tÎt des portes du trépas,
Qu'en moins d'un tournemain on ne s'en souvient pas.


ScĂšne 4



GĂ©ronte arrive, il cherche son fils, et il est content de le trouver.

GÉRONTE
La raison le défend, et je sens dans mon ùme
Un violent désir de voir ici ta femme.
J'Ă©cris donc Ă  son pĂšre, Ă©cris-lui comme moi.


Dorante invente alors un nouveau mensonge pour expliquer que sa femme ne puisse venir à Paris : elle est enceinte de plus de 6 mois. Géronte est ravi, il veut alors écrire une lettre de compliment au pÚre de la jeune femme. Dorante se trompe alors de prénom.

GÉRONTE
Pyrandre ? Tu m'as dit tantĂŽt un autre nom,
C'était, je m'en souviens, oui, c'était Armédon.


Dorante invente une justification et laisse son pĂšre partir.

ScĂšne 5



Dorante est soulagĂ© de s'ĂȘtre sorti de ce mauvais pas.

CLITON
Il faut bonne mémoire aprÚs qu'on a menti.

DORANTE
L'esprit a secouru le défaut de mémoire.


ScĂšne 6



Bien dĂ©cidĂ© Ă  reprendre contact avec LucrĂšce, Dorante s'adresse Ă  Sabine, et lui propose mĂȘme une vĂ©ritable pluie de pistoles si elle veut bien porter une lettre de sa part Ă  sa maĂźtresse.

SABINE
Je la donnerai bien, mais je n'ose vous dire
Que ma MaĂźtresse daigne, ou la prendre, ou la lire ;
J'y ferai mon effort.


ScĂšne 7



Se retrouvant seul avec Sabine, Cliton lui demande si vraiment sa maßtresse aime Dorante, il s'étonne qu'elle l'ait renvoyé si durement. Mais Sabine lui explique : LucrÚce se méfie, elle sait que Dorante ne fait que mentir. Cliton essaye de défendre son maßtre

CLITON
Les menteurs les plus grands disent vrai quelquefois. (...)
Il n'a fait toute nuit que soupirer d'ennui.

SABINE
Qu'il ne craigne donc plus de soupirer en vain (...)
Et s'il l'aime en effet, tout le reste ira bien.


ScĂšne 8



Sabine retourne toute contente auprÚs de sa maßtresse avec la lettre de Dorante que Cliton lui a donnée.

LUCRÈCE, aprÚs avoir lu.
Dorante avec chaleur fait le passionné,
Mais le fourbe qu'il est nous en a trop donné,
Et je ne suis pas fille Ă  croire ses paroles. (...)


Elle demande alors à Sabine d'aller rapporter à Dorante qu'elle a déchiré sa lettre, mais qu'elle veut bien le rencontrer.

ScĂšne 9



Clarice annonce à LucrÚce qu'elle va finalement se marier avec Alcippe. Elle lui conseille de se méfier de Dorante : certes, il semble avoir des sentiments pour LucrÚce, mais le croit-elle sincÚre ?

CLARICE
De le croire Ă  l'aimer la distance est petite
Qui fait croire ses feux fait croire son mérite

LUCRÈCE
La curiosité souvent dans quelques ùmes
Produit le mĂȘme effet que produiraient des flammes.


Acte V


ScĂšne 1



Géronte demande à Philiste, ami de Dorante, qu'il a connu à Poitiers, s'il connaßt un certain Pyrandre, le pÚre d'Orphise, celle que son fils a épousée, il veut lui envoyer un courrier de félicitations. Philiste s'étonne, il confie à Géronte que Dorante ment beaucoup.

PHILISTE
Il nous servit hier d'une collation
Qui partait d'un esprit de grande invention
Et si ce mariage est de mĂȘme mĂ©thode,
La piĂšce est fort complĂšte, et des plus Ă  la mode.


ScĂšne 2



Géronte, se retrouvant seul, se lamente d'avoir été ainsi trompé par son propre fils.

GÉRONTE
Comme si c'Ă©tait peu pour mon reste de vie
De n'avoir Ă  rougir que de son infamie
L'infùme se jouant de mon trop de bonté
Me fait encor rougir de ma crédulité.


On retrouve dans ce monologue des accents de la cĂ©lĂšbre tirade du pĂšre de Rodrigue, dans Le Cid : « Ô rage, ĂŽ dĂ©sespoir, ĂŽ vieillesse ennemie
 »

ScĂšne 3



GĂ©ronte retrouve Dorante, et lui fait des reproches, pourquoi lui faire croire Ă  ce faux mariage ?

GÉRONTE
Mais dis-moi, te portais-je Ă  la gorge un poignard ?
Voyais-tu violence, ou courroux de ma part ?
Si quelqu'aversion t'Ă©loignait de Clarice,
Quel besoin avais-tu d'un si lĂąche artifice ?

DORANTE
Mais comme j'ignorais si LucrĂšce et son sort
Pouvaient avec le vĂŽtre avoir quelque rapport
Je n'osais pas encor vous découvrir la flamme
Que venaient ses beautés d'allumer dans mon ùme.


Cette raison apaise son pÚre, qui connaßt et apprécie LucrÚce. Il accepte d'aller demander la main de LucrÚce pour lui.

ScĂšne 4



Mais à peine son pÚre est-il sorti que Dorante avoue une chose à Cliton : il a dit cela pour l'apaiser, mais au fond, il n'est pas sûr de trouver tant de charme que cela à LucrÚce...

DORANTE
Sa compagne, ou je meure, a beaucoup d'agrément.
Aujourd'hui que mes yeux l'ont mieux examinée,
De mon premier amour j'ai l'Ăąme un peu gĂȘnĂ©e.

CLITON
Quoi, mĂȘme en disant vrai, vous mentiez en effet ?

DORANTE
Il ne m’aurait pas cru, si je ne l’avais fait.


Cliton s'indigne : il ne peut donc pas s’empĂȘcher de mentir ? D’ailleurs, celle qu'il admire tant, n'Ă©tait autre que Clarice... Dorante est confus et se dit qu'aprĂšs tout, cela fait longtemps que Clarice est promise Ă  Alcippe.

ScĂšne 5



Sabine arrive sur scĂšne, et dit que LucrĂšce a dĂ©chirĂ© la lettre, sans la lire. Dorante veut absolument revoir LucrĂšce, et il est prĂȘt Ă  rĂ©compenser Sabine si elle veut bien intercĂ©der en sa faveur. Sabine alors avoue toute la vĂ©ritĂ©, LucrĂšce n'a pas dĂ©chirĂ© le billet...

SABINE
Elle m'avait donné charge de vous le dire,
Mais Ă  parler sans fard... (...)
Elle n'en a rien fait et l'a lu tout entier.
Je ne puis si longtemps abuser un brave homme.


Dorante se rĂ©jouit : a-t-il une chance d'ĂȘtre aimĂ© de LucrĂšce ? Sabine pense que c'est possible, mais il doit d'abord gagner sa confiance.

ScĂšne 6



Entrent alors Clarice et LucrĂšce. Dorante s'adresse Ă  Clarice, pensant toujours que c'est LucrĂšce.

DORANTE
Ah, que loin de vos yeux
Les moments à mon cƓur deviennent ennuyeux.


Et il fait rĂ©fĂ©rence au moment oĂč ils se sont rencontrĂ©s aux Tuileries. Clarice lui rappelle alors les mots de son entretien avec elle le soir mĂȘme.

CLARICE
Mais enfin vous n'avez que mépris pour Clarice ?


Clarice, confuse, se tourne vers son amie LucrĂšce, et l'appelle par son prĂ©nom. Dorante comprend instantanĂ©ment, c’est la fin du quiproquo qui dure depuis le dĂ©but. Cliton se rĂ©jouit d'avoir eu raison : c'Ă©tait donc bien LucrĂšce, la silencieuse, la plus belle ! Dorante lui confie Ă  part, que de toutes les façons, cela l'arrange


DORANTE
Mon cƓur dĂ©jĂ  penchait oĂč mon erreur le jette.
Ne me découvre point, et dans ce nouveau feu
Tu vas me voir, Cliton, jouer un nouveau jeu.


Clarice se retourne vers lui, elle veut comprendre le fond de l'histoire.

CLARICE
Comme elle est mon amie, elle m'a tout appris,
Cette nuit vous l'aimiez, et m'avez méprisée,
Laquelle de vous deux avez-vous abusée ?


Dorante, alors malicieusement, lui retourne le reproche :

DORANTE, Ă  Clarice.
Vous n'avez point voulu me faire un tour d'adresse,
Et ne vous ai-je point reconnue Ă  la voix ?
Vous pensiez me jouer, et moi je vous jouais.

DORANTE, Ă  LucrĂšce.
Sous votre nom, LucrĂšce, et par votre fenĂȘtre
Clarice m'a fait piĂšce, et je l'ai su connaĂźtre
Elle avait mes discours, mais vous aviez mon cƓur.


Il explique alors qu'il devait convaincre son pĂšre avant de lui avouer sa flamme pour LucrĂšce... Or c'est chose faite !

DORANTE.
Si mon pÚre à présent porte parole au vÎtre,
AprÚs son témoignage en voudrez-vous quelqu'autre ?
Qu'à de telles clartés votre erreur se dissipe.


Avance alors Alcippe, prĂȘt Ă  Ă©pouser Clarice.

ScĂšne 7



ALCIPPE, Ă  Clarice.
Un mot de votre main, l'affaire est terminée.

GÉRONTE, à Lucrùce.
Un mot de votre bouche, achÚve l'Hyménée.


Les deux jeunes femmes confirment alors qu’elles acceptent la volontĂ© de leurs parents. Tout le monde s'Ă©loigne pour cĂ©lĂ©brer le double mariage. Cliton reste seul.

CLITON, seul.
Comme en sa propre fourbe un menteur s'embarrasse !
Peu sauraient comme lui s'en tirer avec grĂące.
Vous autres qui doutiez s'il en pourrait sortir,
Par un si rare exemple apprenez Ă  mentir.




Gerard van Honthorst, Portrait de Maurice de Nassau, Prince d'Orange (retouché), 1643.

⇹ * CORNEILLE 𝘓𝘩 đ˜”đ˜Šđ˜Żđ˜”đ˜Šđ˜¶đ˜ł 📜 AbrĂ©gĂ© et commentĂ© (texte rĂ©digĂ© au format PDF) *

⇹ CORNEILLE 𝘓𝘩 đ˜”đ˜Šđ˜Żđ˜”đ˜Šđ˜¶đ˜ł 🎧 AbrĂ©gĂ© et commentĂ© (version podcast audio)

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