Couverture pour Mes Forêts

Hélène Dorion, Mes Forêts.
Résumé-analyse




Hélène Dorion naît en 1958 à Québec, elle étudie la philosophie et la littérature. Sa poésie, marquée par une sensibilité féminine et lyrique, tisse des liens avec d’autres arts : musique, dessin, gravure, photographie…

Entre 1984 et 2009, Hélène Dorion habite les Laurentides au nord de Montréal, une région de vastes forêts. Elle rédige Mes Forêts pendant la crise sanitaire du Covid déclarée en 2020. Le confinement interroge toutes les activités humaines, leur impact sur la santé, la Nature, le bonheur...

Je vous propose de découvrir avec moi ce recueil fascinant. Je vais vous accompagner à travers la lecture pour vous donner des clés d'interprétation. Bien sûr, pour un tel recueil, le sens reste ouvert, les interprétations peuvent être variées. Je vais donc m'efforcer de suivre les indices que Hélène Dorion donne elle-même à travers ses interviews et ses interventions.

Nous allons en particulier à quel point cette poésie qui relève de l'intime, dès le premier mot du titre Mes Forêts (pronom possessif de première personne) implique finalement le lecteur dans une grande aventure collective.

Et pour ceux qui sont dans la confidence : rendez-vous sur mon site Mediaclasse pour retrouver les œuvres littéraires les plus étudiées, avec les explications linéaires et les dissertations les plus probables, en vidéo, podcast, document rédigé, et fiche téléchargeable… Et si vous décidez de soutenir ce projet culturel si spécial, vous accéderez à toute ma bibliothèque, pour le prix d’un livre de poche.


Poème inaugural



Le premier poème, qui n'a pas de titre, et qu'on peut aussi appeler « poème liminaire », installe un refrain qui reviendra tout au long du poème : « Mes forêts sont … »

Dans ce refrain, on retrouve les mots du titre : le pronom possessif, mais aussitôt, le verbe d'état au présent de vérité générale : la dimension personnelle prend tout de suite une dimension universelle.

Voilà comment le recueil commence :
Mes forêts de longues traînées de temps
elles sont des aiguilles qui percent la terre
déchirent le ciel
avec des étoiles qui tombent


Ces vers nous annoncent déjà toute une aventure poétique, car contempler ces forêts révèle les dangers de l'avenir, pratiquement apocalyptiques puisque le ciel est déchiré et que les étoiles tombent.
Mes forêts sont des greniers peuplés de fantômes
Elles sont les mâts de voyages immobiles


C’est très intrigant, le ton devient fantastique : quels sont ces fantômes qui habitent les forêts ? Allons-nous les faire revenir par notre lecture ? En tout cas, cette image de forêts verticales nous laisse déjà deviner qu'elles seront un lien entre passé fantomatique et avenir catastrophique.

L’image des navires qui effectuent un voyage immobile est aussi particulièrement envoûtante. Est-ce que vous percevez à quel point la poésie est déjà une invitation au voyage ? Elle nous implique émotionnellement et pour ainsi dire, politiquement. C'est exactement ce que vient répéter le refrain :
Mes forêts sont des espoirs debout

Ce mot, « debout », voilà la littérature engagée ! Ce premier poème est donc déjà tout un programme, où l'on perçoit une exigence très élevée dans le dernier vers.
Mes forêts sont des nuits très hautes

Dans ce recueil, notre parcours se déroule en 4 sections qui semblent raconter une histoire… À chaque fois, le refrain revient, « Mes forêts sont » en tête de chaque section, et nous révèlent l'évolution de notre aventure tout au long du recueil…

1) « L'écorce incertaine », situation initiale, est le constat d'une certaine fragilité...
2) « Une chute de galets », élément perturbateur, nous plonge dans un déséquilibre dangereux.
3) « L'onde du chaos » ce sont les péripéties qui nous promettent les rebondissements les plus périlleux.
4) « Le bruissement du temps » est peut-être un dénouement, mais rien ne nous indique qu'il sera nécessairement heureux ou malheureux.

Première section :
L'écorce incertaine



Dehors, est-ce l'infini
ou juste la nuit ?

Ann Lauterbach

Avec cette citation d’Ann Lauterbach, poétesse, essayiste, critique d'art, Hélène Dorion nous met devant un choix vertigineux : d'un côté l'infini des possibles, la profondeur et la variété. De l'autre « juste la nuit », un néant inquiétant. Le premier geste de la poétesse sera de lever notre regard le plus loin possible, vers l’horizon.


L'horizon



De biais
la beauté vient chasser l'obscurité


Deux vers magiques… Les forêts, par leur beauté, nous donnent un horizon, un désir d'aller plus loin, de continuer, elles nous font sortir du néant. Voilà pourquoi le poème se termine ainsi :
les forêts
apprennent à vivre avec soi-même


L'arbre



Premier élément rencontré dans cette forêt : l'arbre est aussi en tête du poème, il cache la forêt, il est la première note de la symphonie poétique qu'on s'apprête à lire :
j'écoute cette partition du temps je déchiffre enfin
le désordre des branches


La poétesse nous invite à déchiffrer l'énigme du poème, les symboles cachés dans ces forêts. Elle pense peut-être ici aux correspondances de Baudelaire :
La Nature est un temple où [...]
L'Homme [...] passe à travers des forêts de symboles



Le ruisseau



L'aspect musical se poursuit mais de manière très nuancée, paradoxale, écoutez :
comme un petit bruit
au fond de l'âme
ce que l'on tait
les pierres le portent


La musique ne devient qu'un bruit, et encore, un bruit au fond de l'âme, intime, inaudible pour les autres. Et pourtant inarrêtable. Ayant toujours l'horizon en vue, avec cette rivière, nous poursuivons notre cheminement.

Le rocher, le tronc, l'île



Je rassemble ici ces trois poèmes, car ils forment un moment de pause, une illusion de permanence et de solidité. Mais la fragilité reste présente. Les rochers sont « une histoire couverte de rouille », le tronc a de « lentes cicatrices », et l'île « flotte à la surface du jour » !

Le promeneur, en s'arrêtant un peu, en contemplant ce qui semble éternel, perçoit bientôt la fragilité du monde, et la fragilité des espoirs qu'il porte en lui-même. Les rôles semblent s'inverser : ce n'est plus le promeneur qui écoute la forêt, mais l'inverse :
les forêts entendent nos rêves
et nos désenchantements !


La branche, les feuilles la déchirure



Ces trois poèmes vont ensemble, car ils guident notre regard tout en donnant un mouvement au poème. D'abord, les branches se régénèrent, et évoquent les lignes d’un poème :
Il n'y a que ce qui casse
et repousse
autour de nous
syllabes informes


Le poème suivant, « les feuilles », nous guide vers un lieu plus éclairé, plus lumineux. On reste pourtant bien au cœur de la forêt, c’est-à-dire aussi au cœur de l’intime. On dirait bien que le chemin qu'on parcourt est toujours en même temps un cheminement intérieur :
les forêts creusent
parfois une clairière
au-dedans de soi


Elles creusent, elles nous amènent plus loin, plus profondément, dans l’introspection. Le poème « la déchirure » vient alors interrompre cette pause :
une lame cogne
contre les mâts
de nos rêves
casse la branche du temps


Ici, les troncs et les branches deviennent les mâts d'un navire dans la tempête. C’est vrai que la métaphore du voyage est toujours très présente dans ce recueil, depuis le premier poème. Le rêve revient souvent dans ce recueil, un peu comme un désir d’avenir : prémonitoire si s’en saisit, mortifère, si on le laisse disparaître.

L'écorce, l'humus, le mur de bois, la cime



On va voir que ces quatre poèmes sont des lieux rencontrés, des points de vue admirés, des bruits entendus pendant notre promenade. Mais à chaque fois, cela éveille en nous une prise de conscience.

D’abord, nous arrivons probablement près d’un lieu de découpe, où « L'écorce » attaquée par une scie, émet un son plaintif :
les forêts grincent
et ce gémissement
secoue nos solitudes


Mais la destruction n’est pas irrémédiable, car « l'humus » est au contraire du côté de l'avenir possible, avec les hypothèses qui donnent de l'espoir malgré les saccages :
s'il était la racine et s'il était
du ciel devenu herbe


Alors, on dirait que « Le mur de bois » nous invite à surmonter les obstacles, à prendre conscience que nous sommes perchés sur « sur l'épaule du présent ». Cela fait penser à l’aphorisme des humanistes : nous sommes des nains perchés sur les épaules de géants. Hélène Dorion va plus loin : de là nous pouvons nous pouvons nous élancer…
la cime
une falaise d’où s'élancer
quand on refait les saisons


La bête, les racines



Comme un moment charnière dans cette section du recueil, ces deux poèmes se font face, je crois, pour une bonne raison. D'un côté, « la bête », une pulsion sauvage et destructrice, qui se déchaîne sans se retourner
un goût froid
dans la gueule
nos questions d'enfant
jamais réparées


Au contraire, « les racines » prennent en compte le passé et ont un rôle civilisateur et réparateur :
pareilles à une vaste cité de bois
les racines
s'accordent à la sève
qui les fouille


Le silence, l'ocre



Voilà deux nouvelles menaces. « Le silence » est celui des hommes de bonne volonté, ou celui de la résignation ou de la dépression. La première personne apparaît justement pour nous laisser dans le doute :
je ne sais pas
ce qui se tait en moi
quand la forêt
cesse de rêver


Le poème « ocre » s'inquiète des destructions de « paysages que l'on trahit » ou encore « de mémoires que l'on piétine ». Le pronom indéfini « on » nous fait prendre conscience d'une responsabilité collective.

Le houppier, les brèches



Le houppier, c'est la partie de l'arbre où les branches maîtresse donnent naissance aux rameaux secondaires. Dans le poème, cela dessine des jeux d'ombre et de lumière, des rayons qui passent à travers « les brèches ».

Hélène Dorion pense peut-être au recueil de Victor Hugo « Des rayons et des ombres ». Avec ces contrastes, tout au long du recueil, l'espoir se mêle à beaucoup de fragilité :
l'aube s'infiltre
touche l'écorce blessée


Le temps, le sentier, le feu, les vents, un lit de mousse



À travers ces six poèmes, des créatures s'animent dans les bois, avec le jeu presque enfantin de « on dirait » qui revient plusieurs fois et qui fait du « temps » une allégorie particulièrement originale, dans un registre fantastique, écoutez :
On dirait une pluie de chimères
venue accabler la terre


Puis à travers « le sentier » passe une ombre, peut-être est-ce l'une de ces chimères incarnées ?
entre les troncs
comme une large rayure
le hibou s’élance


Ensuite, « le feu » et « les vents » sont des créatures ambivalentes. « Le feu » d'abord :
on dirait une bête
prête à tout dévorer [...]
le feu promet l'éclaircie
qui donnerait envie de grandir


Le conditionnel exprime bien cette ambivalence : ce qui nous donne encore de grandir est aussi ce qui nous met en danger et pourrait nous dévorer. Lisons quelques des « vents » maintenant :
la forêt disperse
nos fatigues
masques et failles
de nos illusions


Ces « vents » agissent, et leur action est à la fois intime et collective, avec l'apparition de la première personne du pluriel : ces promesses du feu, ces illusions dispersées par le vent, ont une valeur, puisqu'elles nous poussent à grandir. Cette promenade était déjà un petit parcours initiatique, qui nous a fait perdre des illusions pourtant nécessaires.

Un lit



un lit
de mousse [...]
on dirait une cité
venue d'un autre univers


Clairement, notre regard à pris une certaine distance. Les fourmis sont l’image privilégiée pour décrire ce qu’on regarde de très haut :
Un remous de fourmis
sur la pierre
pèse un poids de lettres
et de mots inconnus


J'aime beaucoup cette image de fourmis qui portent les lettres d'un alphabet mystérieux : le poème lui-même s'anime, les chimères du temps se sont métamorphosées en mots qui se déplacent sous nos yeux, et qu’on a envie de déchiffrer.

L'aile



Le dernier poème de cette section évoque bien un désir d'élévation.
L’aile
très haute
de la beauté
perce le brouillard de vivre


Avec ce nouveau regard conquis dans la contemplation des forêts, notre esprit est plus habile, peut-être comme dans le poème de Baudelaire, « Élévation »… En tout cas, le parcours que nous avons suivi avec Dorion nous a fait traverser la nuit, mais cela soulève surtout de nouvelles questions :
à l'intérieur du poème
la forêt rêve-t-elle
alors que j'avance
à petits pas
de l'autre côté de la nuit


Premier refrain :
« Mes forêts sont un champ silencieux »



Juste avant la deuxième section, le refrain revient, et rappelle le caractère cyclique du temps, que les arbres portent en eux, ce parcours personnel prend alors une dimension symbolique, universelle et intemporelle :
Mes forêts sont un champ silencieux
de naissances et de morts
la mémoire de saisons
qui se lèvent et retombent


Deuxième section
Une chute de galets



Où aller sans commencement
et peut-être sans fin

Silvia Baron Supervielle

La première citation était déjà une interrogation. Ici, on retrouve la question, mais le point d’interrogation a disparu. Peut-être que cela évoque une certaine inquiétude. Silvia Baron Supervielle, écrivaine et traductrice argentine d'expression française, cousine du poète Jules Supervielle, écrit des romans et de la poésie. Elle développe notamment une esthétique liée au silence dans la nature.

En tout cas, on dirait bien que cette section est un moment de rupture, un élément perturbateur qui va provoquer des ondes de choc. Ces galets au pluriel viennent troubler une eau calme.

D’abord, le poème nous invite à écouter, avec un refrain qui revient régulièrement :
C'est le bruit du monde
l'écoulement du temps


Cet écoulement du temps, sonore, naturel, on pourrait même dire, éternel... S'oppose bientôt au vacarme d'un monde moderne artificiel :
au coin des villes
sirènes klaxons alarmes du siècle
amas de choses jetables
et tintamarre de nos pas


Ces alarmes au pluriel qui s’accumulent avec les déchets, sont à la fois matérielles, sonores, et immatérielles (des émotions négatives). Ce qui menace les forêts menace aussi notre équilibre intérieur. Ce vacarme nous empêche d'être à l'écoute de ce que la poétesse appelle :
l'écho de nos rêves
choses muettes et nues
que ton chant accorde
pour éclairer le néant


Ici, le néant, bruyant et sombre, s’oppose aux rêves qui sont un peu comme le chant silencieux des forêts, qui sont humbles : muettes et nues.

Deuxième refrain
« Mes forêts sont, des bêtes qui attendent la nuit »



Mes forêts sont des bêtes qui attendent la nuit
pour lécher le sang de leurs rêves [...]
boire l’offrande et se glisser
dans un lit rempli de lucioles


Ce jeu d’opposition est développé à travers ce refrain entêtant : « Mes forêts », répétées, célébrées par Dorion, sont blessées, aspirent à l’ombre de la nuit, mais pour mieux se réfugier auprès de la lumière des vers luisants, c’est-à-dire, de syllabes lumineuses :
mes forêts sont une planète silencieuse
elles sont un dessin de nature morte
ignorant les écrans
sur lesquels on les regarde
sans jamais les voir


La « nature morte » évoque bien la vanité, représentation artistique qui nous fait prendre conscience de l’écoulement du temps. Par leur beauté, les forêts nous font éprouver ce passage du temps qui le rend si précieux. Et tout cela s'oppose au monde moderne, aux technologies, les écrans, qui nous coupent de la réalité, de l'authenticité.
mes forêts
sont chemin de chair et marées de l'esprit
un verbe qui se conjugue lentement
loin de facebookinstagramtwitter


Ici, les forêts deviennent même « un verbe » c'est-à-dire, un mot qui représente un acte, qui pousse à agir. Ces forêts sont une poésie créatrice, l’exact opposé des écrans et des réseaux sociaux,

D’ailleurs, avec ce mot-valise qui agglomère les réseaux sociaux comme une seule entité malfaisante, apparaît une valeur intéressante, l'adverbe "lentement". Je crois que c’est une clé pour comprendre cette deuxième section, plus courte que les autres : la chute des galets s'est produite à toute vitesse, elle nous entraîne dans une course superficielle et effrénée. L'onde de choc sera plus longue à absorber.

Troisième section :
L'onde du chaos



Aux aguets, nous faisons écho
Aux rumeurs de l'abîme

Kathleen Raine

Kathleen Raine est une poétesse britannique, spécialiste de William Blake, elle a beaucoup écrit sur la pensée platonicienne (notre monde réel est le reflet d’un monde plus abstrait, celui des idées).

Cette citation nous positionne sur le bord de l’abîme : nos rêves d’avenir sont menacés par des rumeurs. Mais nous sommes aux aguets, c’est-à-dire, alertes. Les majuscules rythment cette partie : chaque phrase est un poème, et, on peut l’imaginer, une onde choc.

Cette section est en plus structurée en 6 temps, qui commencent par des tournures impersonnelles, et qui suivent une logique de gradation vers le pire. D’abord un simple souffle : « Il souffle mille voix de vent ». Mais ce vent s’intensifie « Il fait un temps de bourrasque ». L’orage éclate « Il fait un temps de foudre ».

Ensuite, la métaphore météorologique prend une autre ampleur, désigne le monde moderne, sa confusion, le danger des technologies : « il fait un temps d’insectes affairés » puis « il fait taches de brouillard » « il fait rage virale sur nos écrans ».

Il souffle mille voix de vent



Il souffle mille voix de vent sur la montagne [...]
au-dessus du vide
flotte un ciel qui n'ignore pas sa fragilité


On commence à comprendre que ces poèmes sont une grande métaphore in absentia (c'est-à-dire que nous avons le comparant, mais pas le comparé). Que représentent ces mille voix de vent ? Bruyantes, du côté du néant, du côté des alarmes, elles menacent la fragilité du ciel, et en effet le poème se poursuit avec une allusion au dérèglement climatique.
le temps ne va plus ni ne vient
dans le mystère obstiné d'étoiles
il n'y a que des saisons décousues


Le temps, c'est un mot polysémique, il a plusieurs sens : il y a le temps qui passe, et le temps qu'il fait. Chez Dorion, les deux se mêlent sans cesse. Les saisons décousues défont nos repères temporels, le grand tissu du temps est déchiré.
nos corps
plus chancelants que la terre
ne reconnaissent plus
la mémoire d'un arbre


Le dérèglement, la perte de repères se généralise : elle frappe nos corps et nos esprits. Dans cette belle expression « la mémoire d'un arbre » se trouve l'image évocatrice des cernes qui portent en effet les traces de tout ce que l'arbre a vécu (la dendrochronologie), et qui évoque bien aussi l'onde de choc du titre de la section.
on ne pourra pas toujours
ne pas recommencer on ne pourra
pas toujours fuir
au bout des hivers


Le futur prophétique et la négation sont particulièrement frappants : nous avons survécu aux hivers rudes, aux destructions, aux extinctions d'espèces. Mais cela ne doit pas nous laisser croire que nous serons toujours épargnés…
Le jeune érable frémit [...]
grandir disait-il
ne suffit pas
à remplir le cœur


Ce jeune érable personnifié est déjà d'une grande sagesse : il souligne la différence entre la croissance, grandir pour grandir (la démesure mortifère), et ce qui nous élève, ce qui fait grandir le cœur.

Il fait un temps de bourrasques



Il fait un temps de bourrasques et de cicatrices
un temps de séisme et de chute


La métaphore météorologique va de plus en plus loin : les bourrasques des voix du vent abîment tout... Les corps qui ont des cicatrices, les continents qui subissent des séismes. Les Empires et les civilisations sont menacées par la décadence et la chute.
il fait un temps de verre éclaté
d'écrans morts de nord perdu
un temps de pourquoi de comment


Le raccourci est impressionnant, le décor devient post-apocalyptique avec les écrans éclatés. Le monde sans repère devient comme une déchèterie à ciel ouvert.
dans ce temps de bile et d'éboulis
les forêts tremblent
sous nos pas
la nuit approche


Les allitérations viennent renforcer une image incroyable ! La bile nécessaire à la digestion, qui dissout la nourriture et qu'on croyait responsable de la mélancolie, se trouve associée aux éboulis, à l'effondrement d'un pan de montagne. Nos émotions, qui impactent notre corps, traduisent aussi le mal-être d'une société qui porte atteinte au monde, à l'univers. Ces différents niveaux de lecture cohabitent sans cesse.
Entre mes doigts
le nom de l'arbre [...]
se transforme en rêve
— c'est beau n'est-ce pas
ou en ruines qui nous dévorent
— peut-être on a tout raté


Les tirets longs semblent instaurer un dialogue. Ce sont peut-être les fameuses voix du vent qui prennent la parole ? Une question se pose : l'art et la poésie, à travers la beauté du nom de l'arbre, saura-t-elle nous préserver des ruines qui nous engloutissent ? L'absence de ponctuation laisse en suspens l'assertion ou l'interrogation : « on a tout raté ? »
du portable au jetable
le jardin où périt un monde
où l'on voudrait vivre [...]
l'abîme évide l'espérance
que l'on ne peut nommer


Ce deuxième temps se termine donc sur cette évocation d'une grande décharge de débris de technologies diverses. Les exigences du consommateur qui veut du "portable" et celles du producteur qui programme du « jetable » rendent finalement notre monde… invivable.

Il fait un temps de foudre



Il fait un temps de foudre et de lambeaux
d'arbres abattus
au-dedans de soi


Cette image de la foudre mobilise tout de suite des imaginaires très variés : le corps foudroyé, l'arbre foudroyé, incendié, prend une dimension intime, morale : "au-dedans de soi". Chaque orage affaiblit un peu plus nos espoirs et notre volonté.
guerres famines tristes duretés [...]
sur l'écran d'aujourd'hui
s'annoncent les orages de demain


Les écrans nous montrent les catastrophes, mais ils ne nous mobilisent pas. Au contraire, ils banalisent, voire même, ils prophétisent les catastrophes à venir. Ils sont exactement l'inverse de ce que la poétesse fait avec ses mots. D'ailleurs la première personne réapparaît ici :
par la lenteur du monde
je me laisse étreindre
je n'attends rien
de ce qui ne tremble pas


On retrouve la lenteur, le temps long, associé à une étreinte. L'affection, le lien à l'autre, cela prend du temps. Les témoignages des écrans et de l'actualité ne nous laissent pas le temps de l'empathie. Seul celui qui tremble est capable d'émotion, d'empathie, de comprendre l'autre. Voilà pourquoi il n'y a rien à attendre de ce qui ne tremble pas. Et voilà pourquoi ce 3ᵉ temps se termine avec une adresse à la 2ᵉ personne.
Tu t'arrêtes
pour que traversent
à l'embranchement
les chagrins jamais avoués


Pour comprendre ces chagrins, pour les partager, il est nécessaire de s'arrêter et de dialoguer, créer un embranchement où se croisent les 2 personnes, le "je" et le "tu".


Il fait un temps d'insectes affairés



Il fait un temps d'insectes affairés
de chiffres et de lettres
qui s'emmêlent sur la terre souillée


Ce quatrième temps pose notre regard sur la fourmilière. On comprend maintenant que c'est l'activité humaine qui est décrite. Les chiffres et les lettres souillent la terre, c'est-à-dire qu'ils nous séparent au lieu de nous lier.
il fait refus et rejet
un temps de pixels d'algorithmes [...]
il fait chimère
et rêve de rien du tout


Les activités humaines s'éloignent de la poésie, en se faisant "algorithmes" elles mettent tout dans de petites cases, les "pixels". Elles produisent des chimères, qui s'opposent exactement aux rêves, car contrairement à eux, elles ne mènent à rien du tout. On peut penser à l’expression populaire positive "suis tes rêves" et négative "suivre des chimères".
l'arbre n'échappe pas à sa souffrance
[...] de l'anneau des années
il ignore tout


Ces refus, ces rejets, ces blessures nous marquent exactement comme les anneaux, les cernes des arbres. La paronomase est significative : chaque année est un anneau, le temps qui passe dessine des stries. L'image est alors filée par la poétesse :
la neige striée de sentiers
boit l'encre de chaque mot
j'attends un geste de lumière
posé sur l'énigme fragile


Ces quelques vers parlent du pouvoir de la poésie, "encre de chaque mot" qui transforme nos blessures, nos cicatrices, en "gestes de lumière". Et ce geste crée un lien avec l'autre, partage des convictions :
Nous sommes debout
comme après la pluie [...]
autour de nous
les lucioles vacillent
dans un théâtre d'heures


Cette belle image d'un geste de lumière, et de lettres et de mots qui sont comme des insectes, se poursuit avec cette image des lucioles, qui sont comme de petites flammes qui "vacillent". Elles s'opposent bien aux « insectes affairés » du début de ce 4ᵉ temps. L’évocation du théâtre est intéressante aussi, parce qu’elle implique le lecteur en tant que spectateur de ces gestes.

Il fait taches de brouillard



Il fait taches de brouillard
et minces certitudes
à la porte de l'histoire


Ce 5ᵉ temps va nous livrer des doutes, mais va aussi tenter de les surmonter. Ni obscurité ni lumière, le brouillard voile les certitudes, il les nuance. La poésie elle-même est fragile, difficile d'accès, mystérieuse...
dans la cohue des paroles
il fait un temps
que le cœur ne déchiffre plus


Le temps qu'il fait aujourd'hui, on le comprend maintenant, c'est tout le contexte, politique, social, culturel. Tout cela ne nous rend guère apte à comprendre, à déchiffrer la poésie. On peut penser aux vers de Rimbaud dans « Soleil et chair » :
Maintenant l'homme dit : je sais les choses
Et va les yeux fermés et les oreilles closes


En tout cas dans notre recueil, un défi se dessine : comment apprendre à déchiffrer les signes ? Pas seulement la poésie, notre passé, notre destin, qui est pour ainsi dire dessiné dans nos mains, c’est-à-dire, métaphoriquement, dans nos actes.
Ce sera comme un souvenir
qui s'ouvre ce sera une main
avec de longues lignes enchevêtrées
la langue de nos destins
impossible à lire


La main porte donc en soi l'avenir, la poésie devient alors performative : les mots sont comme des actes. La feuille est alors un peu comme la main de l'arbre qui crée de nouvelles choses : un bourgeon, une fleur, un fruit.
toute feuille est un désir
de fleur et de fruit
avec lui
le monde surgit


Cette section "L'onde du chaos" nous transporte donc entre espoirs et doutes, présente un certain optimisme sans cesse fragilisé. Et ce parcours nous confronte à des problèmes de plus en plus périlleux. Nous abordons alors le 6ᵉ temps.

Il fait rage virale



Il fait rage virale
sur nos écrans
qui jamais ne dorment
propagent des mots
comme un venin


Ces quelques vers, écrits pendant la crise sanitaire du Covid, remotivent la métaphore qui rapproche la biologie de l'informatique : confinés, d'autres virus nous guettent, ceux qui s'installent sur nos disques durs, ou encore, les injonctions implicites que les réseaux sociaux implémentent dans notre cerveau. Une solution s'offre à nous : éteindre les écrans.
L'écran s'est verrouillé
le champ d'étoiles est devenu noir [...]
on ferme tout
ce que l'on veut réparer


Hélène Dorion évoque une nécessaire déconnexion ici. Fermer les applications, pour mieux nous réparer. Éteindre les écrans pour nous tourner vers d'autres lumières. De nouvelles images émergent alors. S'arrêter, c'est "jeter l'ancre", mais c'est aussi, créer de nouveaux liens.
l'arbre jette l'ancre
dans le jardin de tes pas
il tend les cordes de l'univers
où les âmes jamais ne fanent


Préserver son âme comme une fleur qui ne doit pas faner, c'est cultiver un jardin, où l'arbre est un repère, comme une ancre, qui stabilise le navire. De nombreuses images ici s'entrecroisent, mais elles ont déjà toutes été évoquées, elles deviennent particulièrement esthétiques. La poésie est une forme d'art parmi d'autres, participant à une véritable symphonie qui n'a d'autre but que la beauté :
— arbre de grâce et de beauté
arbre de solitude et de questions —
les branches qu'il recueille
s'inclinent comme des archets


Après l'image des mains et des feuilles, celle des branches et les archets, mais au fond, le message est le même : l'art, sous toutes ses formes, peut créer un havre de paix, un moment de silence et d'introspection où le temps s'arrête.
La neige a cessé de fondre
les rues se sont tues
le siècle s'arrête comme un navire
surpris par la marée


Ce moment où, grâce à l'art, la beauté, l'introspection, on parvient à arrêter la course du siècle, n'arrête pas les marées. Au contraire, elle nourrit nos véritables aspirations, nos véritables rêves, elle nous agrandit intérieurement.
Ta maison devient plus vaste
qu'un commencement [...]
Tu pousses la porte du temps [...]
le sang du souvenir
qui a survécu


Cette troisième section poursuit notre quête initiatique. Nous sommes prêts maintenant à nous ressaisir de notre histoire. Mes forêts prennent bien ce sens : une histoire qu'il faudrait tenir, en restant debout, à bout de bras... Commence alors le 3ᵉ Refrain qui clôt cette 3e section.

Troisième refrain :
« Mes forêts sont le bois usé d'une histoire »



Mes forêts sont le bois usé d'une histoire
que racontent des lunes tenues à bout de bras


Les lunes représentent bien une mesure temporelle, une histoire nocturne, peut-être la face cachée d'une histoire officielle, une histoire qu'il faudrait tenir à bout de bras, usée par le temps mais qui tient bon. Peut-être aussi qu'il s'agit d'une histoire plutôt féminine, liée aux symboles de la lune. En tout cas, On va vite découvrir que cette histoire utilise justement un langage poétique :
langue de tous les jours
— humiliée résistante conquise invaincue —
mes forêts parlent la langue [...]
de rivières qui débordent


On retrouve cette idée que les rêves sont des marées qui débordent en nous, un mouvement naturel qui s'oppose à tout ce qui est mortifère.
mes forêts
racontent une histoire qui sauve et qui détruit
sauve
et détruit


Ces vers empruntent les mots du poète Hölderlin :
là où croît le péril croît aussi ce qui sauve

Ils décrivent une dynamique qui se trouverait dans l'univers : chaque catastrophe contiendrait en elle les germes d'un monde nouveau.

L'astrophysicien et écologiste Hubert Reeves (décédé en 2023) a utilisé ce vers pour le titre d'un de ces ouvrages : face à la crise écologique à laquelle nous faisons face, à nous de découvrir les outils qui existent déjà, et qui sont à notre disposition, à nous de les utiliser à bon escient. À nous de tendre l'oreille pour déceler les signaux faibles qui nous apportent des réponses, sous le bruissement du temps.

Quatrième section :
Le bruissement du temps



Où avons-nous été,
et pourquoi descendons-nous ?

Annie Dillard

Cette citation est encore une question, et une citation féminine, Annie Dillard est une autrice américaine contemporaine, qui a notamment étudié et développé la pensée de Thoreau, philosophe américain à l'origine du concept de "désobéissance civile".

Le chemin que nous empruntons descend encore, à vrai dire, il remonte le temps, jusqu'au commencement, et nous propose une nouvelle histoire, peut-être, une contre histoire. C'est ce qu'on va essayer de comprendre tout de suite.

Avant l'aube



Dans la forêt du temps
il n'y avait rien
ni ciel ni océan
au commencement
il n'y avait ni dieux ni humains


C'est une véritable genèse, mais alternative, pas celle de la bible, ni celle des mythologies polythéistes "ni dieux ni humains" : ce n'est donc pas non plus celle des hommes. Cette origine est remplacée par "la forêt du temps" : la forêt présente un foisonnement qui n'est justement pas celui du chaos, mais bien un principe générateur de vie et de poésie.
sont venus les dieux qui flottent
au-dessus des eaux
Hésiode Zeus Odin
Brahma Izanami
avec eux sont venus l'air et la lumière


Les dieux ne sont venus qu'après. Ce qui est intéressant dans cette courte liste, c'est qu'elle mêle des divinités masculines et féminines, de cultures occidentales et orientales. Izanami est une déesse de la création et de la mort dans la mythologie japonaise.

Hésiode n'est pas un dieu, mais un poète qui a écrit La Théogonie, l'origine des dieux. Hélène Dorion donne à la poésie un rôle primordial et la fait participer à un véritable syncrétisme (mélange de mythologies).
On a commencé la longue marche
du mythe à la connaissance
Galilée Giordano Bruno
Einstein la cause et l'effet rompus
et l'on a donné vie
à cette chose appelée réalité.


Cette deuxième série de noms décrit une nouvelle étape dans la représentation que l'homme se fait du monde. Galilée et Giordano Bruno ont été poursuivis par l'Église pour avoir démontré la théorie héliocentrique de Copernic, selon laquelle la terre tourne autour du soleil. Einstein, quant à lui, a démontré que l'espace et le temps sont indissociables.

Cette histoire en raccourci nous a amené du commencement à l'aube, d'où nous apercevons au loin un horizon, le poème suivant.

Avant l'horizon



La terre a commencé à recueillir nos histoires
dans les arbres et sous la couche d'humus
au creux des vents et des vagues
parmi les fissures des pierres


La terre est personnifiée, archéologue ou artiste, elle a recueilli ou sculpté les traces de notre passé fossilisées dans l'humus. Ce sont presque des œuvres d'art, cela se confirme dans la citation suivante.
puis nos mains ont dessiné
quelques traits sur les murs d'une grotte
l'art allait nous protéger de la haine
mais la haine a continué


Cela donne une idée du fameux horizon poursuivi par la poétesse dans ce recueil. On se souvient que le premier poème s'appelait horizon, justement parce que la beauté pouvait nous tirer de la menace du néant. Mais dans un premier temps, le constat est amer.
On a balayé leurs rituels enseigné notre dieu
chassant avec lui l'esprit de la lune
et du Soleil [...]
On a souillé notre maison
on l'a vendue au plus offrant


Ce pronom indéfini « On » dénonce la volonté colonisatrice de l'occident, qui se poursuit à travers la marchandisation du monde, oubliant la véritable valeur impossible à mesurer du monde, qu'elle appelle "notre maison". Mais face à cette souillure, le geste poétique, artistique se poursuit jusque dans notre recueil qui participe justement à cette résistance :
puis la main se met à écrire
invente des forêts imaginaires
et des visages s'y promènent
l'horizon est apparu
le monde aurait une histoire


Les "visages", ce sont peut-être les nôtres, ceux des lecteurs qui arpentent les forêts imaginaires du recueil. L'œuvre individuelle de la poétesse implique chacun, chaque lecture est une nouvelle création. Voilà pourquoi cette section nous invite à revenir au premier poème du recueil.
À moitié debout à moitié à genoux
l'histoire retourne
d'où elle vient


Le recueil pourrait se terminer ici. Mais il se poursuit pourtant avec un dernier poème qui a des accents autobiographiques, un peu comme une postface à la poétesse aurait mis son propre parcours, avant la fin, avant la nuit.

Avant la nuit



Le plus grand a croisé le plus petit et
d'autres histoires ont commencé
sont venus la maternité
la rue Summerside
le jouet d'enfant [...]
le premier jour d'école


Que signifie ce premier vers ? La rencontre de deux gamètes, ou bien la rencontre d'une grande et d'une petite histoire ? La poétesse nous dit bien qu'elle est le fruit de cette histoire, mais alors que nous avions adopté un regard particulièrement distant sur l'univers, elle opère maintenant un zoom avant vertigineux. À l'enfance succède la période troublée de l'adolescence.
les trajets interminables [...]
la vague qui me renverse
et la main de ma sœur qui me rattrape [...]
la bouche du garçon sur ma bouche
le vertige de l'inconnu


La poétesse évoque ici, par flashs, des souvenirs chargés en émotion, qui n'ont de sens que pour elle. Mais il suffit de ces quelques images pour que le lecteur comprenne qu'il n'est pas seul. Cette main tendue, celle de sa sœur, c'est aussi celle du poète Virgile qui guide Dante à travers les Enfers.
dans la forêt de Dante
on voit le passé
déjà on lit le futur


Cette première expérience littéraire, bouleversante, en amène d'autres. Hélène Dorion multiplie les références :
on traverse le bois de Walden
la mémoire des saisons de Zanzotto
les paysages intérieurs
d'Hopkins les clairières de Zambrano


La forêt imaginaire de notre recueil n'est donc pas la seule. Elle côtoie d'autres forêts : Walden ou la vie dans les bois de Henry David Thoreau, est le récit d'un séjour en forêt, véritable mythe d'un retour à la nature.

Andrea Zanzotto, écrivain italien, a aussi beaucoup écrit sur la nature, les saisons, notamment sous forme de haïkus.

Gerard Manley Hopkins est un poète anglais inventeur de la notion « d'inscape » (paysage intérieur) qu'il associe au concept « d'instress » , la capacité à percevoir le paysage intérieur des autres.

Maria Zambrano, philosophe espagnole, a écrit « Les clairières du bois » qui donne à la beauté un véritable horizon, qui pousse l'homme à sortir de soi... En rendant hommage à ces auteurs et autrices de différentes nationalités, Hélène Dorion souligne l’intention commune de ces œuvres : celle de créer un chemin lumineux, s'il n'existe pas :
un poème murmure
un chemin vaste et lumineux
qui donne sens
à ce qu'on appelle humanité


Le refrain revient alors une quatrième fois, pour ouvrir encore le sens que la poétesse donne à la poésie, et à l'acte d'écriture.

Quatrième refrain
« Mes forêts sont de longues tiges d'histoire »



Mes forêts sont de longues tiges d'histoire
elles sont des aiguilles qui tournent
à travers les saisons elles vont
d'est en ouest jusqu'au sud
et tout au nord


Ces aiguilles de pin, d'horloge, de boussole, se confondent. Mais à travers toutes ces images, une même idée : un repère, quelque chose qui persiste, nous indiquant une direction, dans l'espace ou le temps. Et bientôt, le parallèle est fait entre ces forêts, la poésie, mais aussi le dessin et la peinture.
au matin elles sont
des ratures et des repentirs [...]
elles sont des lignes au crayon
sur papier de temps


Le repentir, en peinture, c'est une partie qui a été recouverte par un autre motif. Avec cette image, la poétesse donne encore une nouvelle profondeur à la poésie. Ce n'est pas tant le poème terminé qui a de la valeur, que le processus d'écriture lui-même qui nous amène à nous connaître.
Mes forêts sont un long passage
pour nos mots d'exil et de survie [...]
Et quand je m'y promène
c'est pour prendre le large
vers moi-même




Jean-Baptiste Camille Corot, Arbre tombé, avant 1900.

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